Acte I : Au commencement, la Naissance.Dieu dit : Que la lumière soit! Et Yuto fut.Ce n’est point New York qui se vit illuminer par la naissance de Yuto, non. Cette ville, aussi grande soit-elle, n’était cependant pas assez pure pour voir une telle naissance dans ses hôpitaux indignes et bien souvent malfamés pour une partie d’entre eux, notamment dans les banlieues délabrées. C’était Tokyo qui avait eu cette joie que d’accueillir ce miracle qu’est l’accouchement de Yuri Hirawo, la mère de Yuto, en ce quinze juin mille neuf cent quatre-vingt cinq, dans un hôpital pourtant quelconque, sous un faible soleil de quatre degrés. Un lit tout aussi quelconque. Jésus-Christ était bien né sur de la paille, et pourtant, ce fut - et reste - l’une des personnes les plus connues au monde, bien qu’il n’apparaisse pas encore dans les magazines peoples.
Et pourtant, sur ce lit quelconque, d’une pièce quelconque d’un hôpital quelconque dans une rue quelconque de la ville la plus peuplée du monde, des cris de souffrance quelconque d’une femme retentissaient en cette journée quelconque - si ce n’est que quasi-simultanément, l’une des futures chanteuses britanniques naissait, un évènement quelconque, oui - alors que de quelconques infirmières entouraient ce lit blanc, l’une encourageant et conseillant Yuri, l’autre restant prête à intercepter le bébé comme s’il allait être expulsé du ventre comme l’on tire sur un ballon de rugby, une à surveiller le rythme cardiaque, et un premier homme, son père, lui tenant la main. Eux aussi, des gens quelconques, assurément.
« - Poussez madame, poussez ! Courage ! », s’écriait l’infirmière.
« - Ma Saiai (chérie - bien aimée), courage ! », conseillait son mari.Cela faisait déjà plusieurs minutes que Yuri s’efforçait à mettre bas, alors que toute l’énergie dépensée aurait possiblement pu éjecter le bébé plusieurs mètres après, l’infirmière n’avait pas revêtu sa tenu de baseball avec son casque de protection, non. Mais rien à faire, l’enfant ne voulait pas sortir. Ils ne savaient pas de quel sexe était-il, non. Le couple n’avait en réalité pas voulu le savoir. Jadis, personne ne pouvait savoir, et c’était une tradition dans la famille de ne pas savoir jusqu’à la naissance le sexe du nouveau-né. Et soudainement, du sang gicla, et les jambes de Yuto sortiraient, laissant peu à peu place à la totalité de son corps. Après plusieurs minutes d’intenses efforts et de douleurs, l’enfant était sorti du corps de sa mère.
« - C’est un garçon, Fujin (madame) Hirawo », annonça le médecin
« - Et tu t’appelleras Yuto, notre fils » affirma Masato, le père.Yuto, ensanglanté, fut nettoyé avant d’être mis dans les bras de sa mère. Et comme la plupart des bébés, voire tous, il pleura quelques instants. Pourquoi ? Parce que l’on passe d’un milieu « aquatique » à un milieu terrestre. Quand on passe neuf mois dans l’eau et que tout d’un coup, l’air rentre dans les poumons en quelques secondes, ça fait mal. Et quand on a mal, on pleure. Une fois habitué, cela prend quelques minutes à peine, on arrête généralement de pleurer, et on passe dans les mains de pleins de personnes : la mère, le père, puis on nous arrache d’eux, pour nous faire les premiers soins, puis généralement dormir. La naissance est étrange, non ? L’on passe neuf mois à quasiment rien faire si ce n’est mettre des coups de pieds dans le ventre de sa mère pour lui dire
« Magne toi de me faire sortir de là, j’étouffe ! » et puis, dès que l’on né, on dort. Un avenir fort prometteur.
Acte II : Adolescence difficile et départ aux Etats-Unis.I'm coming out, I want the world to know - Diana Ross, chanson éponyme.Ce vendredi douze février quatre-vingt dix neuf était l’une des journées les plus banales qu’il puisse être. Dernière année en enseignement secondaire, ou collège, soit le grade 3, il était dans les vestiaires de la salle de sport de l’établissement. Comme tous les vendredi à 15h, il finissait une heure de sport. Une heure de foot, jeu qu’il appréciait comme un peu tous les garçons à vrai dire. Il était un petit amateur, regardant quelques matchs le soir lorsqu’il avait le temps. Un petit comparé à d’autres, des fanatiques aveuglent, allant à tous les matchs de l’équipe de Tokyo, regardant tous les matchs possibles quitte à ne pas en dormir de la nuit, collectionnant les maillots de leurs idoles, non, il était très loin de cela.
L’eau de la poire coulait à flot, et il se rinçait ses longs cheveux bruns, passant sa main dedans. Il n’y avait qu’une autre personne dans cette douche collective : Asuka. Yuto et Asuka se connaissaient bien, très bien même. Une relation amicale qui avait légèrement débordée il y a quelques mois, et les deux adolescents étaient devenus très complices. Depuis ce jour là, ils prenaient toujours leur douche ensemble, après les autres. Personne ne trouvait cela étrange, à vrai dire, peu d’élèves y prêtaient réellement attention. Ils préféraient tous se dépêcher pour profiter de la fin de journée qu’offrait le collège, puisque les cours se terminaient à quinze heures pour toutes les classes de grade 3.
Mais cette fois, la normalité du vendredi était brisée par une porte. L’un de ses camarades de classe avait oublié sa montre dans la douche. Il devait certainement penser qu’il n’y avait plus personne dessous puisque l’eau ne coulait plus. Mais Yuto et Asuka étaient là, encore dedans, serviette autour du corps. Ils étaient encore plus proches qu’ils ne l’étaient auparavant sous la douche. Ikuto se précipita d’entrer dans la pièce, où les deux adolescents s’embrassaient. À peine entra-t-il dans la pièce qu’il lâcha la clenche, stupéfait.
« - Mais, mais … Bande de pédérastes ! »Ikuto s’empêcha de prendre sa montre, et repartit en courant du complexe sportif en braillant
« Yuto et Asuka sont gays ! Yuto et Asuka sont gays ! Venez vite voir dans le gymnase ! ». Évidemment, il y avait une foule immense dans la cours, et la nouvelle ne prit que très peu de temps à circuler. Les deux adolescents ne prirent que très peu de temps à se sécher, et prirent illico presto la fuite. Lundi risquerait d’être une journée bien difficile à affronter, face à trente élèves qui les insulteraient tous deux. Une de ces journées que l’on n’aimerait pas vivre. La plus dure d’une longue fin d’année de galère, certainement.
Il quitta Asuka au plus vite, s’engouffrant dans le métro Tokyoïte pour retourner dans son appartement familial du centre-ville. En moins d’une minute, la si belle journée venait de se transformer en un enfer sans fin. Pour un coming out, c’était un coming out. Mais tout sauf voulu, et encore moins de cette manière là. Il préféra s’enfermer dans sa chambre toute la soirée, prétextant « beaucoup de travail pour lundi » à sa mère qui avait occasionnellement finit plus tôt et qui aurait pourtant bien aimé passer cette après-midi avec son fils. Mais, à dix-neuf heures trente, l’heure du retour de son père, il fallait sortir.
« - Tu as les yeux éclatés, Yuto. Tu es sûr que ça va ? » demanda sa mère, inquiète.
« - Oui oui, ne t’inquiète pas. Je me suis frotté les yeux, ils me piquaient. La fatigue, certainement » répondit-il instinctivement, lançant le premier mensonge qui lui venait à l’esprit.
« - Ah, tant mieux. Tu as tant de leçons que cela ? »
« - Oui, et trois devoirs de prévus. »Coupure de la conversation, et direction la cuisine, pour dîner. Moment très privilégié, il faut dire que le Yuto Junpei adorait manger, c’était certainement l’une de ses occupations favorites, expliquant assurément ses goûts si raffinés pour la nourriture, de luxe. Cuisine japonaise, française, italienne, il en connaissait un bon nombre, mais préférait de loin celle de Paris, qui excelle dans l’art culinaire.
« - J’ai une nouvelle à vous annoncer, commença Masato. Une très grande nouvelle. »
« - Je t’écoute chéri », répliqua Yuri. »
« - Nous allons partir pour New York, nous déménageons. J‘ai obtenu un nouveau poste à ExxonMobil, nous nous envolons dimanche. »
« - Mais, et Yuto ? Et moi ? »
« - Yuto ira dans un collège spécial là-bas. Tu seras ma secrétaire. »La chance sourit à nouveau à un Yuto désespéré. Ainsi, il partirait pour les States, pays où tous veulent aller habiter un jour, ou même uniquement visiter, le rêve américain, tout ça. Un rêve qui allait devenir réalité. Mais il allait devoir abandonner de très nombreuses choses, ici. Ou plutôt quelqu’un : Asuka. Lui n’allait pas pouvoir le suivre. Tant pis, au final. Il allait rencontrer bien d’autres personnes. Et il n’aurait pas à affronter lundi au collège.
Acte III : Life is money.Depuis plusieurs années déjà, Yuto vivait avec sa famille à New York. Sa nouvelle vie aux États-Unis se bâtissait peu à peu, alors que les relations sociales aussi. Son caractère aussi évoluait peu à peu, changeant de plus en plus au fil des mois. Cela se voyait, largement, notamment sur le style vestimentaire qui progressait - ou régressait, les mots divergent selon les avis -, marquant davantage son homosexualité clairement revendiquée, et assumée, qu’auparavant, lorsqu’il n’était encore qu’un jeune adolescent vivant dans un quartier uppé de Tokyo. Il vivait aujourd’hui encore dans un quartier uppé, mais à New York, cette fois.
Métrosexuel. C’est certainement le mot qui pourrait qualifier le mieux Yuto Junpei dorénavant. Un véritable métrosexuel, pur et dur, plus métrosexuel que les meilleurs. Tel Mark Simpson l’avait définit en 1994, Yuto est un jeune homme vivant en ville et avec un (très très) fort soucis de son apparence. Et pas que depuis quelques années, non, loin de là. Depuis son âge de quatorze ans, il se souciait de tout cela, alors qu’il habitait encore à Tokyo, capitale de son pays natal, le Japon. Un homme toujours à la mode, lisant des magazines traitant ce sujet, des dizaines de mails quotidiennement de magasins proposant les dernières nouveautés, tous les samedis après-midi dans lesdits magasins, la carte bancaire à la main droite et les sacs fermement tenus avec l’autre.
Des milliers de dollars annuellement dépensés dans les vêtements. Un homme qui a certainement autant voire plus de produits cosmétiques que certaines jeunes femmes que l’on peut croiser dans les boîtes de nuit New Yorkaises, ou de toutes les autres grandes villes occidentales. Crèmes de jour & nuit, baume à lèvres, pommades et crèmes contre les boutons, des dizaines de gels et shampoings alignés à côté de la baignoire et de la douche, des parfums à ne plus savoir lequel prendre, chacun ayant une utilisation précise pour telle ou telle occasion.
Un mètre quatre-vingt pour soixante dix-huit kilos, que du muscle. Quatre heures hebdomadaires de musculation pour entretenir son sublime corps musclé, digne de sex-symbols, pour ensuite passer une demi-heure allongé, massé par des mains expertes. Un coiffeur personnel, oui, un coiffeur spécialement pour lui et ses caprices. Des coiffures qui peuvent changer plusieurs fois par mois, notamment la couleur, passer de cheveux très longs à courts, tester d’autres coupes à la mode. Et les arts, bien évidemment.
Grand amateur d’arts. Littérature, cinéma, théâtre, danse, musique. Il excelle dans tous les domaines, entretenant une culture artistique digne d’une bibliothèque. Une soif de l’art sans limite, qui s’agrandit de jour en jour. Plus il connait, plus il veut connaître. En quelques mots, Yuto était devenu un intellectuel métrosexuel - et ça rime, si ça, c’est pas la classe. Ce changement était devenu de plus en plus significatif, et s’était même très largement accentué avec son arrivée à New York, ville de mode. On ne le reconnaissait plus tellement sur ses anciennes photos, lui-même avait du mal à se reconnaître parfois. « Tiens, c’était moi sur celle-là ? »