Non, vous ne rêvez pas. Au coin de votre immeuble, là où auparavant il n’y avait rien, trône à présent froidement les yeux et les oreilles de la technologie. Une caméra. Parfois deux, empêchant le moindre angle mort. Première réaction : votre propriétaire a décidé d'augmenter la sécurité de l'immeuble. Vous n'y pensez plus. Vous remarquez quelques jours plus tard une caméra à l'extérieur du café où vous vous rendez régulièrement. Depuis quand s'y trouve-t-elle ? Vous décidez d’en discuter avec des amis. Ces derniers ont aussi remarqué un ajout de caméras dans leur coin de la ville. Des commentaires de toutes sortes se mettent très vite à fuser sur les réseaux sociaux. On questionne les autorités, on veut obtenir des réponses du maire. Durant deux semaines, le silence est des plus total. Le nombre de caméras ne cesse d'augmenter et pour les plus connectés d’entre nous, la qualité des appareils est loin de s’en tenir à la caméra utilisée pour filmer votre 5^e anniversaire. Fluide et en couleurs, un zoom de précision, possibilité de téléguider à distance, de suivre un visage dans une foule. Les caméras déjà installées sont remplacées par leurs performantes grandes sœurs jusqu'à ce que chaque recoin de New-York apparaisse sur les écrans de surveillance des autorités.

Puis, le maire, Xavier Hoover, sort enfin de son silence. Une conférence de presse est organisée le 18 avril à 18 heures dans laquelle il explique que les caméras nouvellement installées seront fonctionnelles dès la fin de la conférence. Leur nombre a été considérablement augmenté afin que les citoyens se sentent en sécurité. Son souhait perpétuel. Les meurtres se poursuivent, la violence aussi. On s'en prend aux prostitués. Les agressions ne baissent pas. Le couvre-feu est de plus en plus ignoré et les commissariats sont pleins. Autant de raisons qui poussent certains à vouloir faire avancer les choses. Monsieur King, détenteur de la plus grosse industrie de sécurité (entre autres possessions) de la ville, est à l'origine du financement, de toutes ces caméras. Pensant que c'était la meilleure solution face à l'atmosphère chaotique de la ville. La mort de l'un de ses amis, pendu à Central Park, fut la raison énoncée aux yeux de la foule, mais qui sait ce que les yeux et les oreilles de la ville pourraient apporter à cet homme aux desseins si troubles sous la surface.

Une tablette numérique est apportée sur l'estrade où se trouvent Hoover et King. Ce dernier a l'honneur d'effleurer l'écran pour activer l'ensemble des caméras de la ville. Les journalistes posent ensuite leurs questions. Quelqu'un s'avance à demander si cette solution sera enfin à la hauteur des résultats que l’on attendait avec le couvre-feu. Le maire prend le temps de réfléchir puis répond en souriant que ça ne pourrait pas être pire. Non ?

New-Yorkais, Big Brother vous observe. Sortez vos plus beaux sourires, vous êtes dorénavant filmés.