L’hiver. Cette saison qui parait si magnifique lorsque les paysages à la pureté blanche apparaissent à la vue des individus, et qui pourtant, s’avère être aussi mortellement désastreux pour certains d’entre eux. Si les horizons de plaines sont magnifiques recouverts de neige à perte de vue, si la surface de l’eau parait si attirante, ce n’est pourtant pas le cas de cette ruelle miteuse dans laquelle Aiden Kist se trouve, marchant péniblement parmi les décombres de ce qui reste d’un vieil immeuble en ruines, mais qui recèle pourtant bien des personnes à l’intérieur. Cet endroit était loin d’être inconnu pour le jeune homme de Providence, qui, au contraire de toutes les personnes qu’il pouvait y rencontrer, avait réussi à se sortir de la misère qui y régnait. Ceux qui se faisaient communément appelés « vagabond », « sans abri », ou encore « déchet » par certains fils de riche, relevait la tête face au bad-boy présent avec eux, en cette matinée bien spéciale pour celui-ci, en ce début de troisième jour de la semaine… Ce mercredi…


Ce mot si commun représentait beaucoup plus pour Aiden que quiconque. Et personne ne pourrait se vanter de connaitre pourquoi le beau brun se trouvait là, à errer dignement, malgré sa tête vissé au sol dans un état quasiment désastreux. C’est à se demander comment une personne aussi bien garni par la vie présente pouvait trouver le temps de s’apitoyer sur un sort désormais lointain, qui ne lui appartenait maintenant que par un simple objet, qu’il porte toujours mais que personne ne soupçonne, camouflé par d’autre grigri sans aucune importance. C’est d’ailleurs ce que l’on pouvait apercevoir de Kist, pendant entre ses doigts refermés dans un poing serré : un bracelet. En piteux état était l’objet, mais il semblait être d’une importance capitale, surtout lorsque l’on croisait le regard rugueux du jeune homme aux traits tirés par les années de souffrance silencieuse. Loren Taylor, celle avec qui il passait les plus beaux instants de sa vie n’aurait surement qu’une seule question en le voyant trainer de cette façon, dans un tel endroit. Mais elle n’était pas avec lui, et Aiden n’avait pas souhaité, pour le moment, engager une discussion des plus difficiles sur sa vie, avec elle. D’ailleurs, lui aussi soupçonner quelques passages houleux dans la vie de sa tendre, mais par respect, ne poussait en rien cette dernière à lui parler. Si seulement elle savait qu’en ce moment, et depuis la journée d’hier, Aiden possédait dans la poche de sa veste un présent pour elle, elle ne lui en voudrait peut-être pas de ne pas avoir été prévenue de son absence de la journée. Cette pensée était cependant très loin de celle dont l’étudiant possédait actuellement. Une pensée, ou plutôt un souvenir, qui marqua sa vie pour toujours et à jamais…


Mercredi 17 mai, d’une année qu’il a préféré oublier. Aiden n’était pas le jeune homme que l’on connait actuellement, ni celui qui se tenait dans la drogue et l’alcool, durant les mois qui suivirent ce jour si sombre et cruel. Depuis des années maintenant, le beau brun avait fuit sa famille, en compagnie de son grand frère. Celui-ci était le paroxysme du grand frère. Protecteur, attachant, drôle, intelligent… Un modèle de qualité qu’Aiden avait rapidement commencé à copier. Son respect pour le monde qui l’entoure, pour les personnes qui se trouvait sur son passage, forçait l’admiration de quiconque. C’est en quelque sorte de cette manière que celui qui sortait enfin de la maudite ruelle, était devenu le jeune homme respectueux et respectable du Mount Pleasant Internat. Peut-être aussi pour cette raison que l’actuel bad-boy avait réussit un tel parcours, une telle réussite, et de tels relations, comme Heaven, Parker, et surtout Loren. Si cela avait été possible, s’il le devait à quelqu’un, c’était bien à lui, à ce défunt Aaron. L’être disparu qui entraina avec lui le cœur meurtri du jeune Aiden, qui tant bien que mal, était parvenu au prix de mille et un périple à se sortir de l’angoisse perpétuelle de la solitude. Mais cela avait duré des mois. Une année complète en y comptant bien, ou la drogue, l’alcool, les jouets d’Evan McCallister réconfortèrent le nouveau junky dans son désarroi. Et ou il fallut un nouveau désastre pour l’en sortir, mais cela est une autre histoire encore…


« Un café. Long sucré, s’il vous plait. »


Sa voix venait de s’éclaircir, demandant le plus simplement et expressément possible au Starbuck du coin de la rue, qui se trouva vide en ce début de journée. La commande arriva rapidement, et déposant la monnaie nécessaire sur le comptoir, il prit son remontant de la journée, et continua son itinéraire inconnu, jusqu’à une grand place un peu plus loin, ou une fontaine surplombait les alentours. C’est à celle-ci que le jeune homme s’accorda une petite pause, posant ses fesses sur le rebord du marbre gris et gelé par la température glaciale. Son gobelet chaud se porta à ses fines lèvres, légèrement rosés, et d’une gorgée il se réchauffa le gosier. Laissant son café à ses cotés par la suite, Aiden Kist fouilla dans l’une de ses poches intérieurs de sa veste en cuir bon marché, pour ne pas dire miteuse. Cet accoutrement semblait dépareillé, et pourtant, c’est ce qui offrait au jeune homme l’allure de quelqu’un d’imposant, non par sa classe, mais par sa désinvolture. Peut-être d’ailleurs en jouait-il malgré lui, ou alors parce qu’il savait que cette allure lui allait parfaitement…


Un morceau de papier se fit apercevoir entre ses deux doigts. Là où certains penseraient qu’il s’agissait d’une feuille à rouler, il faudrait s’approcher pour mieux voir. Aiden tenait là, la dernière lettre que Aaron lui avait écrite et destiné, à son arrivé à Providence. Il ne lui avait pas offert avant, simplement parce qu’il n’était pas temps pour lui de recevoir de telles informations. Mais désormais lointain, Kist connaissait le fin mot de l’histoire sur son grand frère qu’il chérissait plus que tout. Et cela n’avait pas été pour lui plaire sachant ce qu’il y avait découvert. Le beau brun déplia le papier, l’expression tout aussi dure et directe que l’heure précédente où il était entré dans la ruelle fatidiquement nauséabonde, qui recelait une partie morte de sa vie. L’ennui, c’est que malgré tout, il n’en voulait pas le moins du monde à son frère. Travailler illicitement, gagner de l’argent pour subvenir aux besoins du jeune Aiden, qui l’aurait pu ? Qui l’aurait fait surtout ? Son frère, oui. C’est pour cette seule et unique raison que celui qui aurait la place prépondérante dans sa vie, sera l’âme d’Aaron, et sa relique, ce bracelet de fortune qui lui appartenait, et que Kist rattacha autour de son poignet. Le regard baissé, une larme s’échappa par mégarde de son visage, et vint s’écraser au sol, sur lequel elle ne tarda pas à devenir glace. C’était bien la première fois depuis des lustres, qu’Aiden se laissait aller à de tel sentiment. Mais comme tout homme de sa trempe, de son éducation, de sa fibre morale, il devait craquer un jour ou l’autre sous toutes ces émotions qui se bousculaient à l’intérieur de son crâne…


« Allons Aiden. Ressaisis-toi… Quels intérêts peut-il y avoir à pleurer comme un enfant !?! Debout !»


Etrangement, ou plutôt mystérieusement comme à son habitude, Aiden laissa sa voix émerger dans cette matinée brumeuse, comme pour se dicter un ordre qu’il aurait été impossible d’effectuer par une simple pensée. Le jeune homme à l’allure quelque peu nonchalante mais bourrue, se redressa, et se mis sur ses pieds, passant au même instant la manche de son avant bras sur ses yeux. Il tenait toujours dans ces mains ce petit morceau de papier qui contenait une partie de sa vie, une partie de son âme. Qu’il lui était impossible d’effacer de sa mémoire, et tout aussi impossible de supprimer la preuve tant que personne d’autre ne serait au courant de ce secret, des actes inculqués des années auparavant pour offrir à Aiden Kist, la vie qu’il possédait actuellement. Lui, ne pouvait que l’en remerciait, même s’il se trouvait le fautif et coupable de ce qui était advenu d’Aaron, son unique frère. Sa tête levée au ciel, ses mains s’éloignant peu à peu de ses flancs, le jeune homme ferma les yeux, en inspirant profondément l’air glacial qui s’infiltra dans ses poumons jusqu’à n’en plus pouvoir. Puis il expira, tout simplement, comme s’il ne s’agissait là que d’un geste tout bonnement banal. A cet instant précis, en ce mercredi commun pour presque tous en ce bas monde, Aiden avait oublié tous soucis et tracas, toutes dépendances et problèmes, pour ne garder à l’esprit que les meilleurs moments de sa vie. De sa vraie vie à lui, qui avait débuté à sa simple arrivée, ici, à Providence, il y a quelques années…

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