Pauvre petite chose fragile. Il n'aurait pas loué cette terrible haine contre l'espèce humaine qu'il en aurait presque éprouvé une once de pitié. Allons donc, à la voir ainsi, à terre, à moitié recroquevillée sur elle-même, comment ne pas fondre ? Tout être a, un jour, éprouvé un plaisir interdit. En fumant, en se droguant, voir même en violant. A chacun ses formes de péchés interdits. Au fond, braver les interdits est tellement tentant. Ordonnez à un enfant de ne pas dire de mots vulgaires, il en dira. Ordonnez à un malade de prendre régulièrement des médicaments, il ne les prendra que de temps en temps. En conclusion donc, ne peut-on dire que, chacun à notre façon nous sommes des enfants ? De simples bambins qui cherchent au mieux à pouvoir assouvir notre soif d'envie et de désirs. Alors donc, si quelques vies doivent y passer, ce ne sera guère bien grave, n'est-ce pas ? Le regard presque fou, Angel frôla délicatement de ses lèvres la joue de sa captive. Laissant son souffle venir caresser presque amicalement la peau qui couvrait cette dernière. Tellement amusé. Depuis bien trop longtemps il ne s'était ainsi adonné à ce qui animait ses envies. Depuis trop longtemps il n'avait plus touché une peau en l'appréciant. A quoi bon être marié si ce n'est que pour porter un anneau à un doigt ? Être sans cesse manipulé. N'être seulement qu'un objet, tels que l'Homme. Le dieu fronça doucement les sourcils, sentant une résistance de la part de sa jeune amie. Elle aussi donc, se lassait déjà de sa compagnie ? Bon sang, n'était-elle pas assez folle pour se laisser faire ? Histoire qu'au moins un soir, il puisse retrouver le goût de la vengeance. L'impression amère et interdite d'accomplir un acte cruel et sanguinaire. Quel effet cela aurait-il donc sur son organisme et sur son moral ? Alors bien sûr, le jeune Summers ne manque pas de proies. Loin de là. Et pour preuve : il y a une heure encore, le voilà qui mettait en flammes un immeuble. Mais ce désir si ardent ne peut être comblé ainsi. Et quand bien même il parviendrait à posséder en tout point cette vulgaire femme, jamais il ne serait apaisé. De par sa haine envers eux, de par sa détermination à régner, de par sa jalousie, Angel en réclame toujours plus. Jusqu'au jour où il pourra enfin dicter le tout. La réalité revint dès lors très subitement à lui. Des mains se posèrent sur son buste, signe de résistance. Le blond fronça doucement les sourcils. N'était-elle donc pas heureuse de ce présent qu'il venait de lui offrir ? Bon, certes, il venait de l'envoyer voler contre un mur, mais ce n'était après tout qu'un simple jeu, rien de plus. Summers recula, lentement. Guettant de son regard perçant les moindres faits et gestes de sa jeune amie. L'expression mêlant une étrange lueur d'exaspération à de la passion, du désir. Un nouveau sourire naquit au coin de ses lèvres. Il haussa négligemment les épaules, tournant les talons. Quelque soit ses vœux, la pauvre enfant ne les accompliraient guère. Seule importait désormais son propre plaisir personnel. Qu’il fasse donc honneur à son culte pour la joie, ce cher épicurien. Nouvelle expression. Il se redressa. De sa posture fière – trop sans doute – il contempla de haut sa jeune captive. Ses pensées dérivèrent alors soudainement. Se perdant ici et là. Le dieu recula de plusieurs pas, avec une lenteur folle. Palpitant doucement sous le poids simple de ses pensées. Des lettres se formaient devant lui, formant un unique prénom qu’il aurait pu susurrer à voix basse : Sara. Etait-ce donc la vision de cette pauvre humaine qui lui rappelait ainsi son attachement interdit ? Il l’ignorait. Néanmoins, il n’y songea guère.

A quoi bon refouler ses sentiments ? Refouler ce qu’il aimait d’habitude à exposer. Sa colère, sa haine, sa jalousie monstre. Que ce soit par le biais de la violence où même de la tromperie voir du mensonge, Angel devenait tout bonnement victime de ses émotions. Soumis à s’attacher à ces êtres. A les aimer du plus profond de son âme. A les chérir et à les jalouser. Comment un tout puissant de sa carrure peut-il bien ainsi s’abaisser à ce niveau. En quelques secondes, le dieu des dieux revit en éclair sa vie. Misérable existence humaine gâchée par ces immondices. Sa rencontre avec Faith. L’accumulation de ses victoires et de ses pouvoirs. Aujourd’hui, qu’était-il donc devenu ? Une ombre. Celle qui couvre de par sa seule envergure la Terre entière. Qui inonde ciel, mer et terre. Il marchait désormais seul. Plus personne pour affecter ses actes. Comme le vent murmure aux feuilles de s’envoler, Angel murmurait aux Hommes de s’agenouiller. Devant sa grandeur et devant son statu. Peu lui importait qu’on soupçonne ou non contre lui quelques actes de résistance : ces mortels quels qu’ils soient ne se fient qu’à un grain de folie. Certes, cela reste bien courageux d’oser de telles manifestations. Mais enfin… Si cela doit les conduire à leur perte, peut-on encore qualifier cela de courage ? Inconscience, peut-être. Tout comme Nemesis l’était à l’instant présent.

Un sourire malsain anima les lèvres du jeune blond. Il resta là, debout, immobile devant sa petite forme. A garder le silence et à se jouer de sa posture. Jouissant tout simplement d’une paire de supériorité qu’elle ne possédait pas. C’aurait été un acte considéré comme des plus hautains si le concerné ne prenait pas tant plaisir à faire languir ses victimes… Quoique non, c’est un acte hautain. Comment pourrait-ce en être autrement ? Le divin laissa le bout de ses doigts parcourir habilement l’une des bibliothèques qui meublaient la pièce. Le regard incendié posé sur le sol. Ce sol qui avait accueilli tellement de hurlements. Et ses murs qui avaient été témoins de tellement de querelles. Mais qu’y pouvons-nous si quelques espèces ne connaissent pas la limite de leur place ? Faith prenait bien trop d’assurance à ses yeux. Il ne pouvait indéfiniment se le nier : elle devenait bien plus puissante que lui. De par son caractère mais également de par ses pouvoirs. Il ne suffirait que de quelques secondes pour qu’un jour lui prenne la folle idée de le défier. Vaut-il donc ainsi mieux la préserver de tout acte similaire : la remettre à sa place, tel un vulgaire animal. Le garçon stoppa dès lors vivement son exploration. Songeur. Qu’un couple ne s’aime plus n’a jamais été d’une grande originalité dans l’Histoire. Mais en quel honneur l’époux éprouve-t-il encore de la jalousie envers la femme qui ne l’écoute ni ne l’aime plus ? Serait-ce juste de peur que la chose qu’il possède lui soit à jamais soutirée ? Pensée qui ne pu que fâcher. Détruire un peu plus le calme posé de ce démon. L’ange s’était définitivement envolé. Ce qu’il en restait ? Un regard bleu, une voix douce. Même le sourire ne trahissait plus aucune trace de sérénité voir même de sincérité. A croire qu’à n’effectuer qu’un simple interdit, la jeune Nemesis venait de raviver une flamme trop longtemps éteinte. Celle de son désir à jouir de son pouvoir. Celle de son désir à dicter et à se faire obéir.

De sa démarche sans défaut, il reprit son droit sur ce qu’il possédait. S’adossant souplement au vieux fauteuil, bras croisés sur son buste. Ses deux prunelles sombres reprirent leur place sur la silhouette de la jeune femme. Il lui adressa un vague haussement d’épaule, comme trahissant son amusement face à sa réponse d’il y a quelques minutes. Qu’elle se débatte, soit. Qu’elle ne l’apprécie guère, normal. Mais qu’elle refuse, jamais. Jamais il ne laisserait quiconque refuser ce qu’il a dicté, même si cela reste bien une proposition. Un éclair passa dans ses yeux, il parla. Laissant sa voix douce et grave se rependre comme un murmure dans la pièce sacrée.

« Noah ne t’as donc jamais appris les bonnes manières Nemesis ? Tu entres chez moi. Tu voles chez moi. Et tu te permets en plus de refuser ce que je dis ? J’n’ai pas l’impression que tu te rendes complètement compte de chez qui tu es actuellement. » Il fit une pause, s’avançant à pas lents vers elle. S’agenouillant une nouvelle fois à ses côtés, reposant ses doigts fins et agiles sur son poignet. « Il aurait simplement fallu que tu sois sages. »



Du bout de son index il caressa avec lenteur le bijou qu’il avait osé lui offrir. Souriait étrangement, une lueur folle au fond de ses iris sombres. Et puis, sa main remonta. Longeant le bras fragile pour venir s’enrouler autour du cou frais de l’intruse. En un dernier signe d’affection, il fronça soudainement les sourcils. La colère et le mépris reprenant dès lors leur place en cet être fondé que par la douceur de la pénombre. Index et pouce s’enfoncèrent légèrement dans la peau de la mince gorge qu’ils serraient. Laissant une pression non-négligeable s’installer. Lui coupant toute respiration, sourire accroché et pendu à ses lèvres trompées. L’homme fût emporté dans son élan. Abandonnant tout signe humain qu’il eût été autrefois, voir qu’il eût possédé. Ce qu’il en restait ? Un époux avide de vengeance, un démon dominant et dominé. Comme le lion règne sur la savane Africaine mais est traqué par d’autres, Angel régnait, seul, sur ce monde. Chassé et repoussé vainement par tous et toutes. Il inspira. Sa poigne se relâcha et il recula. Se redressant avec grandeur et fièrté. Et toute la suite se déroula en quelques instants. Trop vite pour que quiconque puisse y comprendre quoique ce soit. L’avant-bras du dieu pointa le visage de Nemesis. Un craquement sonore se fit entendre et la montre revint directement dans le creux de la main de son propriétaire. Pour un refus, un poignet de brisé. Et tout cela sans même qu’il ne la touche. Un rire mauvais résonna dans la chambré. Angel laissa ses doigts jouer négligemment avec le présent doré. Présent réservé pour une autre. Son dernier.

« C'aurait été plus marrant, dommage. »

OK. By LV.