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 _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.

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_Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. Empty
MessageSujet: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 19:32

Feat "Sandrah Hellberg"
_Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. 130
(c) AEROPLANE


      _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. Identitycard

    Nom & Prénoms ;Carmen Neena Carreter. Evidemment, ce n’est pas mon véritable nom, ni mes véritables prénoms d’ailleurs. Auparavant, je portais un prénom indigène Newén, choisi par ma mère adoptive.
    Surnom(s) ; Il m’affublait souvent de sobriquets ridicules comme l’indigène ou son alizé. Les autres m’appelaient la bâtarde. Aujourd’hui, plus personne ne prend la peine ou le temps de me surnommer.
    Âge ; 23 ans
    Nationalité ; Colombienne. Ca ne se lit pas sur mon visage, je le sais. Par contre, après cette information, il serait bon d’en déduire mes origines métissées.
    Groupe ; Les touristes & étrangers. New York n’a jamais été l’objet de mes désirs ou de mes ambitions les plus démesurées. Je trouvais plus d’attraits à l’Europe, je préférais l’élégance glacée du vieux continent à la culture triviale des Etats-Unis. J’y ai immigré par obligation et non par choix.
    Statut et activité dans la vie ; Dans un passé proche, je profitais d’une formation classique qui m’apportait la grâce d’une danseuse et l’organe d’une chanteuse d’opéra. J’aurais pu danser ou même chanter dans les plus grands opéras du monde…Mais je ne suis que cuisinière(spécialité : beignets de tomates vertes) dans un petit bar de Brooklyn, chanteuse aussi à l’occasion : la désillusion m’a frappée de plein fouet. J’ai actuellement le statut officiel de réfugiée politique.
    Orientation sexuelle ; Au fond, quelle importance accorder au sexe ? Ce n’est qu’un épanchement physique des sentiments. Jouir d’un plaisir aussi primaire…Il y a bien longtemps que j'en ai fait l’expérience, en fait je m’y étais toujours refusée. Plus par peur que par dégoût. Il y a certains traumatismes qui restent imprégnés dans votre esprit et qui enrayent votre évolution.

_Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. Wannaknowmore

Une chanson pour commencer cette présentation ? ;


    Introduction
    Ressentir. Que signifie ce simple verbe ressentir ? Avoir froid, avoir chaud, avoir mal, avoir envie...Ce ne sont au fond que des préoccupations primaires. Mais que veut dire ressentir sinon avoir conscience physiquement des choses qui nous environnent. Saisir une sensation, une émotion au moment opportun. Caresser l’essence d’une chose, s’en imprégner jusqu’à l’os et jusqu’à l’âme. Déployer ses sens, aiguiser son esprit et ressentir. Tout simplement. Revenir aux sensations primitives, celles que nous percevions enfants. Ces bribes d’imaginaire qui papillonnaient dans notre ventre et notre esprit, pour s’évanouir dans l’univers ultra cartésien engendré par la distorsion des sentiments. Ou plus communément appelée : la raison. Eprouver le monde pour en arracher la substance. Décrypter chaque acte, chaque pensée, chaque fait et l’interpréter. C’est affaire de traduction, un truc mécanique qui se met en place à la manière de rouages bien huilés. Simplement. Il suffit de se conformer à une pensée et à une éducation uniformes pour se fondre dans la masse grouillante et putrescente.

    J’avais l’impression de vivre ma vie à l’envers, de revoir une série de flashbacks insensés, un peu comme dans un rêve parcellaire. J’étais née brisée et je me reconstituais à mesure que le temps s’écoulait.


Histoire ;

La plus grande honte du personnage ;
J’avais été choisie pour interpréter le rôle principal dans le ballet Cendrillon. Je m’étais démenée jusqu’à l’asthénie totale pour espérer recevoir le précieux sésame, la récompense ultime. En recevant cet honneur, j’avais cru abattre tous les clivages imbibés au sein de l’académie. A contrario, cela avait poussé leur jalousie à son paroxysme. J’en étais venue à rester prostrée chez moi, de peur que les autres danseuses ne me nuisent avant ma représentation. Lorsque mon soir était venu, que cette lointaine chimère allait se concrétiser, que j’allais dévoiler toute l’étendue de mon putain de talent à l’élite de Bogota, je m’étais fait voler mon heure de gloire, celle qui aurait pu dissoudre le pêne qui m’empêchait d’accéder aux plus prestigieux ballets du monde. Trahie par mes propres accessoires. Juste après l’entracte, après avoir changé mes chaussons…L’arrivée de Cendrillon au bal. L’apogée de la pièce. J’étais censée parader devant le danseur qui incarnait le prince. Parée d’un costume minimaliste émaillant ma beauté, au comble de l’excitation et de la joie, je fus foudroyée par une douleur violente, paralysante…et m’étais écroulée dans le parterre de roses, hurlant à la mort. J’ai cette image de gouttes de sang semblant s’égrener lentement sur la soie de mes chaussons, venues de nulle part. Le souffle haletant de la salle et les expressions hypocrites de mes comparses, la douleur qui s’était emparée de ma chair, aux yeux de tous, j’avais échoué.

Définition de l'enfer pour le personnage ;
La folie sous toutes ses formes. Sombrer dans un état de dégénérescence extrême et être complètement dépossédé de son existence. N’être qu’une éponge s’imprégnant de sensations, de tendances et de désirs incongrus. Ne plus avoir conscience ni de soi ni de rien. Etre vide et enclin à se noyer dans le néant. N’agir que par besoin et de manière machinale, ne plus rien savourer, n’être qu’une ombre parmi les ténèbres.


Définition du paradis pour le personnage ;
Vivre dans un rêve. Repousser les limites du réel jusqu’à l’onirisme. Que tout soit farfelu, insensé et spontané. Que chaque chose ait sa place et une identité propre. Que toute notion, toute structure soit abolie. Pouvoir concrétiser ce que la réalité ne peut concevoir, vivre au jour le jour et abattre tous les clivages. Accorder de l’importance aux choses les plus futiles, faire fi des obstacles et pouvoir se réaliser en se libérant des préoccupations inutiles. Vivre dans un monde extravagant, sans foi, lois ou sens.

Point faible du personnage ;
« Aussi fragile qu’un cristal de Baccarat »
Mon instabilité, j’oscille entre les extrêmes. Je n’ai aucun contrôle sur mes pulsions, aucune expérience des choses qui m’entourent, aucune connaissance de mes limites corporelles. Engloutie dans l’immensité chaotique de la société contemporaine, je tends de plus en plus à disparaître à l’intérieur de moi-même. Mon corps reste mon seul exutoire, l’unique chose qui me rattache à la réalité. Mais plus le temps s’écoule, plus j’ai l’impression qu’il m’échappe.

Point fort du personnage ;
« Ce qu’il y a d’étrange chez toi, c’est que chaque personnage te possède et non l’inverse »
Je suis étrangère à mon propre corps… ainsi je possède une faculté d’adaptation hors du commun. Je peux me glisser dans n’importe quelle peau, revêtir n’importe quel costume, incarner n’importe quel personnage : je suis un caméléon. Je suis spectatrice de ma propre vie, complètement détachée, sans caractéristiques ni caractère. Je n’appartiens à rien et rien ne m’appartient. Je m’approprie des techniques, des essences, je les figure avec excellence, créant l’illusion de la perfection.

Casier judiciaire ;
Officieusement :
Ancienne enfant soldat enrôlée de force par les FARCs
Meurtres multiples
Actes de barbarie
Actes terroristes

Officiellement :
Bénéficie du programme de protection des témoins.

_Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. Behindthescreen

Prénom ou pseudo ; Pretty woman walking down the streeeet...
Âge ; 17ans...et demi ! D'abord.
Où avez-vous connu le forum ; Ca fait un bout de temps que je le connais...c'est le seul qui vaille encore le coup.
Connexion ; Oula, 2/7j, pas plus.
Code du règlement ;
Spoiler:
Avez vous signé le règlement ; [X]OUI ; [ ] NON (Cliquez ICI pour signer le règlement)
Exemple de RP ;
Spoiler:
Célébrité sur l'avatar ; Sandrah Hellberg
Multicompte(s) ; Non.
Un dernier truc à dire ? ; WHAT'S IN THE BOX ? WHAT'S IN THE BOX ?...Brad Pitt...Seven...And I'm the nerd. Ooooh, what's in the box ?


Dernière édition par Carmen N. Carreter le Ven 25 Fév - 17:26, édité 13 fois
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 19:32

_Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. Sandra1l

Y tú vendrás marchando junto a mí, y así verás tu canto y tu bandera florecer. La luz de un rojo amanecer, anuncia ya la vida que vendrá.



Forêt colombienne, fin des années 80.

    Je ne sais rien de moi. Ni des autres. Si vous interrogez la plupart des hommes vivant sur cette planète sur leur vie, ils vous répondront sans doute qu’elle débute à leur naissance et se finit à leur mort. La naissance, l’avènement d’un nouvel être vivant s’engouffrant dans le long tunnel de la vie. Idée préconçue. La première séparation entre la mère et l’enfant, brutale, succincte et fulgurante. Premier pas dans les dédales encombrés de la jeunesse. Destin tracé. La vieillesse, état de disgrâce ultime ou préambule de la mort. Fin de la pièce.

    J’avais l’impression d’avoir commencé ma vie alors qu’elle touchait à sa fin. Comment expliquer un phénomène si étrange et perturbant sans paraître mentalement déséquilibrée, voir démente. Imaginez une descente pentue, et qu’au lieu de la dévaler avec engouement, vous ne deviez la gravir avec peine. Mieux encore, imaginez un film que vous devriez regarder depuis la fin jusqu’au début, sans accélérer ou faire d’impasse sur un quelconque passage.
    J’étais née sans mère ni père, livrée au monde, soustraite à la chaleur de l’amour due à un enfant. Non, j’avais été engendrée dans la froideur de la mort. Je n’aurais pas du survivre, pauvre orpheline abandonnée à son funeste sort. Mais j’avais repoussé l’échéance, retenu mon souffle jusqu’au dernier instant, ne le laissant s’échapper que dans des cris désespérés, me rattachant au semblant de vie qui crépitait encore au plus profond de mes entrailles. J’aurais donné tout ce qui m’était cher, si j’avais eu quoique soit, pour ne plus sentir ces bras glacés m’étreindre peu à peu. Je n’avais alors peu ou pas conscience de mon corps ou de mon esprit, je pensais la forêt mienne, je croyais faire corps avec l’environnement, j’étais transcendée par l’immensité qui m’englobait, je pouvais sentir jusqu’à l’écoulement de la sève amère dans les veines des arbres. Aucune limite. J’ai hurlé jusqu’à épuiser la dernière force qui me maintenait encore en vie.

    Ensuite, je ne me souviens pas. Il m’arrive parfois d’avoir des éclairs, fugaces, des bribes de souvenirs enfouis dans ma mémoire et qui émergent de temps à autre. Il y a toujours cette femme petite et sale, à la peau brûlée, me chuchotant des mots incompréhensibles à l’oreille-je ne me souviens plus de cette langue- et puis cette forêt pantagruélique, sans fin. Je l’aime, je le sais. Mais je ne sais plus comment je l’aimais. Je n’ai jamais plus ressenti de sentiment semblable après cette période de ma vie. Par quels moyens pourrai-je saisir cette émotion encore une fois, m’en repaître jusqu’à exploser : le sentiment d’appartenance. J’existais pour quelqu’un, quelqu’un qui m’avait arraché à ma condition. Mais je ne me souviens plus de son nom. Comment s’appelait-elle ? Comment l’appelais-je ? Je ne me rappelle pas. Aliénée par l’oubli.

    J’étais petite, insignifiante. Je n’avais l’expérience de rien, excepté du jeu. Chaque chose était accessoire, superficielle. Chaque action illusoire et vide de sens. J’étais encore engluée dans l’enfance. Mais eux, ils en avaient rien à foutre. Bêtes sanguinaires et avides de pouvoir, perdues dans leur délire mégalomane. Le feu et le sang pour la gloire et le plaisir. J’avais été fauchée par un tourbillon de folie. Pauvre métaphore. Ils avaient ravagé mon village, brûlé les maisons, violé les femmes, scandé leurs revendications, montré l’envergure de leur cruauté, de leur détermination, au nom de la liberté, liberté à conquérir, arracher, sacrifiée. La Fortune m’a voulue robuste, alors j’ai survécu, encore. Ou plutôt, j’ai été épargnée. Ma peau m’a sauvée, enfin ma couleur. Ma différence.

    Ils ont tout ravagé, chaque parcelle de mon village. Chaque femme et chaque homme, chaque enfant. Sauf moi. J’étais dans un état catatonique, ils n’ont pas eu de mal à m’enlever, il a juste fallu me soulever et m’emporter. J’avais tellement mal, c’était une douleur insupportable, une douleur sans nom, j’aurais voulu mourir pour ne plus rien ressentir.

    Ils m’ont traînée dans la forêt jusque dans un campement piteux tel un butin. A la manière des empereurs romains qui rentraient victorieux dans la ville de Rome, glorifiés par la foule émerveillée par les trophées remportés durant la guerre. Sauf que ce n’était pas une guerre mais un massacre sommaire dont j’étais la seule rescapée.
    J’ignore combien de jours ils m’ont enfermée, je sais juste que lorsqu’ils me délivrèrent de ma prison de bois la pâleur cuivrée du soleil me rongea les yeux. J’avais fini par me confondre avec l’obscurité, ravalant ma faim et ma soif, m’accoutumant à la crasse de ma cabane. Ils avaient sans doute cru me voir morte en ouvrant ma cage, étant donné la puanteur qui embaumait l’atmosphère, mais j’étais bien en vie, rigide comme un cadavre, blanche comme un linceul mais vivante. Ils prononcèrent des mots, dans une langue qui m’était alors inconnue, je ne compris pas. Ils utilisèrent un autre langage, plus violent, je ne compris pas. Cette douleur, je ne la connaissais plus de toute façon. Pendant plusieurs jours, ils essayèrent de me stimuler, chaque fois d’une manière différente. Ils m’éprouvaient physiquement et psychologiquement. J’ai vu et vécu ce qu’un être humain ne devrait jamais voir et vivre. Rien n’avait de sens, c’était gratuit. C’était une violence irrationnelle, inhumaine, une violence que ni les mots ni la fiction ne pourront jamais dépeindre.

    Ils m’ont donné une formation, la meilleure du monde. J’ai été entraînée à n’avoir peur de rien. Toute action que je perpétrais ne devait obéir à aucune éthique, aucunes instances. Je n’avais pas de moral et tout ce qui fait d’un homme un être humain, ne m’avait jamais été enseigné. J’avais un objectif et je devais l’atteindre sans tenir des conditions ou des moyens. Je devais perpétuellement dépasser les limites, peu importe si cela pouvait me coûter ma propre vie.

    Puis un jour, tout s’est arrêté. J’avais gagné le droit de vivre, sous réserve de servir leurs intérêts. Ils détenaient ma liberté, mes désirs ou mes choix ne m’appartenaient pas. Le seul droit dont je disposais était celui de tuer avec tous les autres actes que cela incombait. Mutiler, supplicier, abattre. Femmes, hommes, enfants, sans discernement. Avec un fusil, aussi grand que moi, que je m’échinais à porter. Les autres enfants soldats me jalousaient, car bien plus que fragile, j’étais aussi plus intelligente que la plupart des recrues qui combattaient pour les FARCs ce qui me valait les faveurs de ceux qui nous exploitaient. J’étais également plus consciencieuse, plus méthodique. Une machine inconsciente, sans instincts. J’étais leur favorite car j’avais la consistance d’une adulte et l’imaginaire infini d’une enfant. Je n’étais pas lucide, je ne savais les conséquences de mes actes. Le sang n’avait pas de couleur, le souffle n’avait pas de valeur, la douleur n’avait pas de limites, la mort n’avait plus de signification. Il fallait combattre.

    C’est ce qu’ils avaient compris. Un enfant ne connaît pas le sens de la vie ou de la mort. J’avais vu tout mon village périr dans la souffrance, j’étais donc plus endurcie que les autres. J’étais moins manipulable, moins sensible. Je me débarrassais de toute émotion et j’étais capable d’emprunter n’importe quel visage. C’était ainsi que je me protégeais : en étant jamais moi. Toujours autrui.

    Quatre ans. Quatre ans de terreur. Quatre ans à me débattre pour survivre. Quatre ans à commettre l’inconcevable. J’étais leur élève la plus fidèle, la plus accomplie, la plus douée. Ils avaient fait de moi une arme de guerre.


_Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. Bed5hf

Y así pasan los días y yo desesperado.

Abords de Bogota, 18 novembre 1998
    J’avais le sentiment d’être invincible. Chaque victime que je faisais était une tête en plus dans mon tableau de chasse. Mais plus je grandissais, plus je portais les stigmates intellectuels des meurtres que j’avais commis. Des images, des sons se bousculaient dans ma tête générant une espèce de maelstrom qui me balayait avant de m’endormir. Je n’arrivais pas à trouver le sommeil et j’ignorais pourquoi, car tout ce que je faisais me semblait nécessaire et bénéfique pour le monde. Pourtant, le trouble s’était installé dans ma poitrine et se manifestait de temps à autre sous la forme de malaises que rien ne pouvait apaiser excepté le calme de la forêt.

    Ce jour-là, nous étions censés poser une bombe à Bogota, en plein cœur de la ville. C’était la première fois que j’allais voir un pan de béton, ayant vécu presque toute ma vie au sein de la forêt, l’idée de découvrir la jungle urbaine m’exaltait. Seulement, tout leur échappa en l’espace de quelques secondes. Je ne me souviens plus, ou peut-être n’ai-je rien vu de ce qui s’est passé. Nous roulions en direction de la ville et puis…j’ignore ce que nous avons percuté ou esquivé. Les autres…sont-ils encore vivants ? Le sang accapare leur visage, je ne peux reconnaître aucun d’entre eux et une douleur atroce me triture la chair, je crois qu’un morceau de verre a transpercé mon bras. Dans un effort prodigieux, je m’extirpe de la voiture, mon bras m’élance tellement…J’ai mal. Mon souffle est entrecoupé, et je sens mon cœur battre…à droite de ma poitrine. Chaque impulsion de sang m’accable de souffrance. Je sanglote, je n’arrive pas à retenir ces putains de larmes. Elles coulent sur mes joues, s’écrasent sur le béton.
    J’espère qu’ils sont morts.

    C’est drôle comme un événement peut chambouler le destin. J’ai toujours été fascinée par la manière dont chaque fait accidentel -ou non- s’harmonise avec la vie d’un homme, comment il peut déterminer son existence. Je ne sais pas si c’était un fait de la Fortune ou si c’était tout simplement la fatalité, mais c’est à cet instant précis, alors que je me vidais de mon sang sur une petite route de campagne, que j’ai pu goûté à l’amère liberté dont j’avais été privée.

    J’ai passé plusieurs semaines à l’hôpital, tergiversant tantôt avec la mort, tantôt avec la vie. Mais je me régénérais peu à peu, de l’intérieur. Comment allais-je vivre après pareil traumatisme ? Je n’avais plus de nom, plus d’âge, pas de raison de vivre. Je n’avais ni famille, ni amis, ni buts. J’étais livrée à moi-même. Etais-je vraiment prête pour un tel changement ? J’avais le sentiment de foncer tout droit dans un mur en béton armé. Peut-être était-ce préférable de ne jamais me tirer de ma léthargie, de savourer la chaleur pénétrante de l’entredeux monde. Je pouvais sentir, goûter, entendre, toucher et même voir, à travers mes rêves, je n’étais privée d’aucun de mes sens. Distinguer la douce mélopée des oiseaux dehors, humer le parfum des infirmières qui s’attendrissaient devant mon petit corps éclopé, sentir l’eau qui s’insinuait jusqu’au creux de mes reins lorsque venait l’heure de ma toilette. Ca me suffisait.

    Mais je me suis réveillée. Mes paupières se sont ouvertes machinalement pour se refermer l’instant d’après et pour mieux se rouvrir.


    T’as les yeux bleus, quelle chanceuse tu es ! . Il y avait cette femme qui venait me voir tous les jours depuis que j’étais hospitalisée. Chaque matin, elle venait déposer des fleurs -des ylang ylang- pour apaiser mon esprit, disait-elle. A force, leur odeur était devenue familière, dissimulant les effluves aseptiques de l’hôpital. C’est comme sa démarche chaloupée, je la connaissais par cœur. Sans doute devait-elle souffrir d’un problème à la hanche. Pendant que j’étais dans le coma, j’avais fait l’ébauche de son faciès dans mon esprit : un teint hâlé, un nez busqué, des yeux en amande avec un léger strabisme, des lèvres plutôt charnues et un menton prononcé. Et à quelques détails près, cette description était conforme à la réalité. Quel est ton nom ? Je ne répondis rien, il n’y avait rien à répondre de toute façon.

    Elle m’a recueillie, m’a aimée comme si j’étais sa propre enfant. Je venais de nulle part, je n’avais ni identité ni expérience de la vie telle qu’elle était dans une société. Elle m’a tout appris, tout donné. C’était une cuisinière. Une employée dévouée qui travaillait pour une femme politique colombienne divorcée. Je lui dois le bref moment de bonheur qui me transperça à cette époque.



_Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. 110130011811327349

The freedom and simple beauty is too good to pass up...


20 janvier 1999

    J’avais banni mon court passé jusqu’aux tréfonds de ma mémoire. Je ne voulais plus y penser, faire fis de ce qui m’était arrivé. C’était un traumatisme que je désirais garder pour moi, un secret qui devait tomber dans l’oubli. Je n’avais jamais été incriminée, jamais suspectée. Les corps des accidentés n’ayant jamais été réclamés, j’étais la seule personne que les autorités avaient interrogée pour connaître les circonstances de l’accident et l’identité des cadavres. J’avais dit la vérité : une perte de mémoire. Le choc avait été si brutal que j’avais préféré refouler plutôt que de me confier. Je n’avais fait l’objet d’aucun soupçon, je n’étais qu’une enfant après tout, qu’avais-je pu vivre de si important en quelques années de vie ?

    Tu vas finir par casser quelque chose. Des gestes encore maladroits, un corps à peine remis de ses plaies et une envie d’engloutir chaque nouvelle découverte. Perdue dans les méandres de la cuisine des Barrara, j’effleurai de ma main hésitante la froideur du marbre qui chamarrait la pièce. Chaque outil, chaque ustensile trouvait une nouvelle fonction entre mes doigts. Je les faisais tournoyer, je les admirais, je les utilisais pour me distraire. Il m’arrivait de cuisiner avec ma mère ou de me tapir dans le couloir qui communiquait avec la pièce afin d’écouter la musique de la maîtresse de maison mélomane. Elle pouvait passer des heures à se délecter de la même pièce de musique, subtilement interprétée. Première découverte. Parfois, à travers l’entrebâillement de la porte, je pouvais saisir quelques instants quasi oniriques où la femme aux mouvements sibyllins se prenait à danser avec grâce. C’était comme si elle imprimait l’atmosphère, qu’elle se confondait avec la musique.
    Puis un jour.Je veux devenir ballerine. Ma mère m’observa longtemps, sans dire mot. Puis elle se mit à couper les légumes d’un geste précis et mécanique. Tu te brûleras les ailes. Je me tus un moment pour reprendre sur un ton monocorde, comme j’en avais l’habitude. Je préfère l’audace d’Icare à la lâcheté de Pâris. Elle me dévisagea, inexpressive. Gamine présomptueuse. Je lui répondis spontanément. Mère indigne. Je vis ses lèvres trembler avant de s’étirer en un sourire taquin. Il y a l'école de monsieur mais t’abandonnera d’ici quelques mois, t’es trop vieille maintenant.

    Elle n’avait jamais douté de mon potentiel. J’étais telle une éponge qui absorbait chaque enseignement, je les intégrais. Je décryptais, devinais, alambiquais ce qui était simple et abrégeais ce qui était complexe. Ce n’était pas de l’ordre de l’intelligence. Je conservais juste les séquelles de mon passé. Celui que j’avais perdu. Certains automatismes hantaient encore mes gestes et mes pensées. J’ignorais d’où ils me venaient, ils étaient là et je les assimilais.
    La danse me soumettait à une discipline extrêmement exigeante dont j’avais besoin pour apaiser mes pulsions parfois violentes. Elle me permettait également de me détacher, d’exprimer ce que je ne pouvais formuler avec des mots. J’étais une élève assidue bien qu’effacée. Il y avait aussi mon physique qui suscitait parfois des remarques abjectes. En particulier à l’école. Je ne ressemblais pas à ma mère et je n’avais pas de père. Je n’avais connaissances de mes racines. Fillette esseulée. J’étais incertaine, à tâtons dans le brouillard qui m’étouffait. Jamais je n’osais. La danse était un exutoire nécessaire, une entité à qui je me confiais entièrement et qui me le rendait bien. J’étais douée, plus que les autres. Mon corps se modulait à ma convenance, c’était comme une marionnette que je pouvais démembrer, assouplir, manipuler. Je fis une progression fulgurante, presque hors du commun. Je ne vivais que pour ça et j’aurais fait n’importe quel sacrifice pour m’améliorer, encore.



    Les yeux à demi clos, les lèvres jalonnées de crevasses, le visage submergé de sueur, la peau engluée dans le carrelage glacé de la cuisine. Immobile. La lumière déclinante du soleil filtrant à travers la fenêtre. Une chaleur caniculaire, telle qu’il n’y en avait jamais eu de similaire dans la ville. Saloperie de réchauffement climatique. Je n’avais trouvé que la froide morsure du marbre pour revigorer mon corps halitueux, j’étais comme morte sur le plancher. Ca ferait un bon titre de film tiens. T’as une sale gueule. Mes paupières se redressèrent doucement et je sentis ma peau se replier difficilement dans le creux de mon orbite. Elle me regardait. Avec son sourire amusé, quoique légèrement compromis par son expression criante d’angoisse. T’es là, à fixer le plafond, lève-toi et amène ça de l’autre côté. J’imaginais d’ores et déjà les piques de douleur qui allaient cribler ma peau lorsque j’allais me lever…Un supplice insoutenable. Je me relevai dans un prompt élan de courage : c’est comme un pansement, plus vite on l’arrache, moins la douleur est intense. D’un geste robotique, je m’enquis d’une grenadille et la dévorais plus par envie que par véritable appétit. Je pris le plat de fruits -presque aussi lourd que moi- et m’engouffrai dans le couloir.
    Ambiance platonique dans le salon. Plateau sur la table. Coup d’œil vers Madame, laconique. Son fils, a contrario, trépignait d’impatience. C’était une de ces mères étouffantes, un cliché parmi tant d’autres. Il la quittait pour le Bolshoï. Elle ne supportait pas de le voir partir tandis que lui, savourait déjà les prémices de sa liberté pourtant cloisonnée. Sales stéréotypes. Mon chéri… . Il se leva brusquement et la gratifia d’un regard qui aurait suffi à étayer une thèse sur la haine. Vieille folle. Imaginez un seul instant ma position. Je me barre. Il contourna la table mais sa mère attrapa son poignet. Il poursuivit son chemin, sa mère ne le lâchant point. Je trouvais cette scène pittoresque. Elle se mit à sangloter et lui à crier. Je ne bougeai pas, je considérai la mère –si belle plongée dans sa démence- puis le fils, meurtri. Il m’observa. Je ne sais combien de temps son regard resta accroché à ma personne, à mes yeux. Il enlevait aux secondes leur caractère éphémère : j’avais l’impression que le temps s’écoulait en sa présence, il ne défilait pas.
    La faiblesse eut raison de sa mère qui finit par le libérer de son emprise. Il quitta la pièce, sans dire mots, ni à sa mère, ni à moi, surtout pas à moi.


Dernière édition par Carmen N. Carreter le Mar 22 Fév - 1:59, édité 12 fois
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 19:32


_Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. 11b7ldu

Oh, I thought the world of you. I thought nothing could go wrong but I was wrong.

Parcelles de souvenirs

    Je n’avais aucun but précis. Je dansais, je chantais mais j’ignore si j’aimais ça. Je le faisais par défaut. Ou peut-être par désespoir. La vérité était que plus je grandissais, plus j’avais l’impression d’être dépossédée de moi-même. J’existais à travers la danse, c’était un substitut puissant que j’utilisais comme un cataplasme pour remédier au sentiment de vacuité qui me bouffait peu à peu. Il fallait que je me perfectionne, il fallait que je dépasse mes limites, si cela pouvait combler le trou béant de ma poitrine.

    Duplex Barrara, 6 juin 2004.

    Fouetté. Fouetté. Fouetté. Fouetté. Fouetté. Fouetté. Arabesque. Arabesque. Magnifique. Elle quitta le piano pour venir m’étreindre longuement. Tout ce regain d’amour qu’elle avait en elle, elle le déversait sur moi sans ménagement, aucun. Si bien que j’avais fini par éprouver de la pitié pour elle. Je n’arrivais pas à l’aimer, j’aimais ma mère mais pas elle. Elle, je l’admirais. Il y avait quelque chose de tragique dans son expression, sa manière d’être qui me fascinait. Elle semblait être transcendée par chaque émotion qui s’emparait de son âme, cela se voyait sur son visage, dans ses gestes, dans ses paroles. J’aurais voulu ressentir de cette façon. J’aurais voulu…
    Esteban ! Sur le seuil de la porte, inexpressif, il y avait son fils. Celui qui l’avait quitté. Il portait les marques des années qu’il avait passé loin de sa mère sur son visage, des traces de fatigue indélébiles que lui avait laissé ces quelques années de triomphe à Moscou. Sa mère l’embrassa, je détournai mon regard. Il la dévisage, l’enlace et rigole. Pourquoi rit-il ? Etait-ce vraiment un éclat de rire ? Qui est-ce ?
    Elle le contemple, le prend dans ses bras et chuchote. Newèn.

    ___________

    Spoiler:

Quelque part dans Bogota


    C’était une étoile, un des meilleurs danseurs du monde. Il l’avait obtenu lors d’une représentation de Casse-noisette à Moscou qui fut un véritable triomphe. Je ne l’avais jamais vu danser, il m’arrivait parfois, quand j’étais encore gamine, de le voir s’échauffer devant le miroir du salon de l’appartement. C’était l’un de ces rares moments qu’il pouvait savourer sans la présence de sa mère, souvent omniprésente dans sa vie. Il se consacrait alors entièrement à la danse, lui sacrifiant sa vie sur l’autel de la réussite. J’ignore s’il aimait vraiment danser. Peut-être n’était-ce qu’un moyen d’échapper au monstre égoïste de sa mère sans tomber dans la routine esseulante que lui auraient promis des études.
    Il n’était revenu que par obligation. Les raisons de son retour m’ont toujours été inconnues, il n’en parlait jamais, n’évoquait jamais ces années passées à Moscou. Je crois qu’après son ascension fulgurante dans le ballet Mariinsky, il n’avait pas supporté la pression qui l’avait accompagné. Il avait été contraint d’abandonner pour sa propre santé mentale. Triste désillusion. Il avait du en coûter à son orgueil de revenir à Bogota.


    C’était l’anniversaire de sa mère. Elle avait convié toute l’élite de Bogota à célébrer ce jour pourtant funeste à ses yeux. Comme tant d’autres avant elle, Carmen Barrara était frappée par la peur de la vieillir. C’était le genre de femmes qui comptait chaque matin le nombre de rides qui se dessinaient sur son visage en déplorant les effets du temps sur son corps flétrissant. Mais chaque année, elle s’évertuait à organiser une fête phénoménale en l’honneur de ce qu’elle redoutait le plus. Probablement un moyen d’exorciser sa crainte.
    Tout n’était que faste et plaisirs oisifs, c’était comme prendre un bain de champagne dans une salle de bain aux murs ornés de feuille d’or. Mais j’aimais cette atmosphère, ce clinquant, cette palanquée d’intellectuels dopés qui vous sautaient au cou après quelques coupes de champagne et plus si défoncés. Ca me permettait de garder les pieds sur ma terre, rationnelle et raisonnable au possible. C’est bien pour elle que je fais ça… J’esquissai un sourire éphémère en entendant le chuchotement de ma mère qui saillait à mes côtés dans le tumulte de la foule plus ou moins dense. C’est gentil de sa part de nous inviter. Elle me regarda avec un sourcil légèrement surélevé avant de lâcher sur un ton narquois. Et puis au moins ça te permet de voir autre chose qu’un miroir et des barres. J’ignorai le flot de sarcasmes qui s’écoulait de sa bouche pour m’intéresser au discours que Barrera s’apprêtait à prononcer. Un amas de paroles conventionnelles pour remercier les invités, exposer sa vie dans les grandes lignes, plaisanter sans grande conviction. Et maintenant mon fils Esteban. Ce qu’elle préférait par-dessus tout, c’était de voir son fils danser. Pas parce qu’il était beau mais par fierté. Elle l’exposait.
    Mais en le voyant se mouvoir avec grâce sur la petite estrade le visage trouble, entre le mépris et la mélancolie, je ne pus que comprendre l’arrogance de sa mère. Il avait un tel niveau, tant de majesté dans ses gestes. Je le jalousais autant que je l’estimais.

    J’étais jalouse de lui, de la façon dont il dansait : il y avait quelque chose de profondément violent en lui. Je savais que même dans mes rêves les plus fous, je ne pouvais atteindre un tel niveau.

    Sur le trottoir de l’hôtel, savourant la froideur de la nuit, à l’abri des regards et la cigarette à la commissure des lèvres. Une des rares que je m’accordais pour soulager un stress trop intense ou une soirée trop ennuyeuse. Je n’étais pas à l’aise parmi les gens : trop timide pour engager des discussions, trop terre à terre pour les prolonger. Et puis je n’arrêtais pas de penser aux heures, aux minutes que je perdais à rester inerte et plongée dans l’hypocrisie. Nèwen…ça vient d’où ? Je tressaillis à la vue d’ –devinez qui- Esteban. Il avait surgi de nulle part avec sa clope éteinte, à peine fatigué de la prestation qu’il venait sans doute de terminer. C’est indigène. Lui répondis-je –volontairement- sans grand engouement. Ca me plait. Je le regardai, l’air placide, frémissante à l’intérieur. Du feu ? Un paquet, une allumette, le scratch caractéristique, cigarette allumée. Merci. Je souris faiblement. Sélectionnée pour Giselle? Froncement de sourcils, pivotement à 40°, surprise non dissimulée. T’es danseuse, non ? J’acquiesçai. Chaque année c’est la même chose, le même spectacle. J’avais auditionné pour Albrecht y a longtemps, recalé dés les premières minutes, j’étais soit disant pas assez impliqué. Bande de cons. Il eut un rire amer. Je suis pas encore prise. Il m’examina en tirant sur sa clope. Et tu risques fort de ne pas réussir. Un poignard dans mon orgueil. Je t’ai observée, t’es trop rigide. A double tranchant, la lame ? Je baissai les yeux, ravalant le lopin de fierté qui me restait. Il m’observa en souriant. Mes gestes sont trop imparfaits. Fausse modestie ? C’est une définition bien dure de la perfection. Il s’esclaffa bruyamment, pourtant j’avais le sentiment que son rire cachait une certaine aigreur. Barrons nous d'ici.

    Je crois qu’il s’en voulait d’avoir abandonné sa mère. Même si au plus profond de lui, il avait vécu cette rupture comme une profonde libération, il n’accordait d’importance qu’à elle seule. Il aimait son père mais la relation qu’il entretenait avec sa mère était fusionnelle, voir pernicieuse. Il lui appartenait. Et en dépit des années passées loin d’elle, il semblait profondément rattaché à sa mère.



    J’ai toujours aimé vagabonder dans les rues de Bogota, il y a tellement de trucs à voir. Chaque fois j’ai l’impression de redécouvrir la ville, les rues, les magasins, les bars. Il marqua une pose puis sautant du coq à l'âne. Faut que tu te trouves un style, un truc qui fera que tu te différencieras des autres. Il me considéra un instant avant de reprendre. Je sais que ta mère faisait du flamenco dans sa jeunesse…Je l’interrompis. Je déteste ça. Il reprit sur un ton plus dur. Tu ressembles à ma mère. Je rétorquai, amère. Vu le temps que j’ai passé avec elle, ça m’étonne pas. Une façon détournée de dire « J’ai du me la taper presque 5 ans pendant que t’étais pas là et ça a franchement pas été facile ». Elle a toujours eu besoin de compagnie, ça lui permet de se sentir vivante, importante pour quelqu’un. Qu’il m’épargne le topo sur la femme divorcée qui s’est jamais remise de sa séparation, y a assez de films qui traitent de ce sujet. Je pense que je vais t’aider. M’aider à faire quoi ?




    _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. Tumblr_lgl187YPvn1qzate4o1_500



    And she gave away the secrets of her past, and said I've lost control again.


    Au début, il ne venait que sporadiquement m’apporter son « aide » comme il disait. Chaque fois, j’étais sujette aux railleries et autres remarques désobligeantes à propos de la manière incontinente dont je dansais. Il s’escrimait à me rappeler à quel point j’étais faible, à quel point mes lacunes étaient abyssales. J’en étais venue à ne travailler que pour lui, que pour lui plaire.
    Puis il vint de façon plus coutumière, s’imposant d’abord en tant qu’observateur et conseiller puis en tant que professeur. Au fil des mois et des années, il parvint à me délester de ma maladresse puis de ma rigidité, à me perfectionner suffisamment pour que je sois retenue pour interpréter le rôle de la Belle au bois dormant dans un des meilleurs ballets d’Amérique Latine à Sao Paulo.


    Sao Paulo, Brésil, 8 juillet 2007.

    Tes pointes, fais attention à tes pointes. Papillonnant aux quatre coins de la scène, je m’inclinai vers le danseur qui incarnait le prince en tendant délicatement la main vers la salle vide. Il s’avança galamment les bras entrouverts cependant que je fuyais dans la direction opposée en exécutant un grand jeté. Le danseur me poursuivit ainsi pendant plusieurs minutes jusqu’à ce que l’on finisse par entamer un pas de deux. Harmonie et sensualité étaient les maîtres mots. C’était la rencontre du Prince et d’Aurore. Une scène que l’on répétait depuis déjà plus de deux semaines. Vous êtes pas en rythme… Et il y avait toujours un je ne sais quel détail qui péchait. Il posa ses mains tremblantes sur mes hanches et me souleva en semblant fournir un effort minime. Je glissai le long de son torse et posai mes pieds en cinquième position, il effleura mon ventre, mes côtes, mes bras et s’empara de mes mains…T’es trop raide, trop raide ! On recommence. Il lâcha mes mains et maugréa dans un soupir d’exaspération. Moi j’arrête, j’en peux plus. Rageur, Esteban vociféra. Tu seras jamais prêt pour la représentation ! Il répliqua en quittant la scène. Moi si, elle non. Esteban se tut : lui non plus n’avait pas été abusé par ma piètre performance. Je pouvais voir sur son visage qu’il tentait ardemment de tempérer sa colère, il avait toujours cette petite ride au coin de l’œil qui frémissait quand il s’apprêtait à me conspuer. Je suis désolée…Montant sur la scène, il siffla. Tais toi et reprends. Ruisselante de sueur et accablée par le poids de la fatigue sur mes épaules, je murmurai faiblement. Je suis exténuée. Et lui de me reprendre. Première position. Je me plaçai, usant les dernières forces qui me restaient. J’exécutai le même enchaînement, les mêmes pas, les mêmes expressions dans un effort colossal ; lui semblait voleter sur la scène. Vint le pas de deux. Il était plus élégant, plus expressif, plus performant que l’autre danseur. Il était plus beau aussi, et plus charismatique. Et lorsqu’il me porta, j’eus l’impression de n’être pas plus lourde qu’une feuille de papier. Je glissai –une fois encore- le long de son torse, éraflant le sol de la pointe des pieds, aussi raide qu’un piquet. Laisse toi aller. Cinquième position. Il écrasa ses doigts graciles et aériens sur mon ventre, m’arrachant une grimace de douleur. Ses doigts explorèrent doucement mon buste, du creux de ma poitrine jusqu’à la voûte de mes épaules. Je frémis. Il empoigna mes mains et m’enlaça lentement. Je sentais son souffle au creux de mon oreille. Il laissa sa main choir jusqu’à ma cuisse qu’il souleva légèrement, doucement.

    J’étais dans un état second et en même temps, je n’osais pas démembrer mon angoisse. Pourtant, je finis par m’abandonner entièrement à mon personnage.

    Je me libérai alors violemment de son emprise. Il sourit. C’est ça. Il s’approcha à pas prudent tandis que je m’élançai en sa direction. Saut. Il me rattrape. Je coule, je touche le sol et pose mes mains sur ses épaules. Il me regarde. Je l’embrasse. C’est instinctif. J’ai toujours aimé ses yeux. Il m’étreint, me broie les os, m’étouffe. Il engloutit mes lèvres, s’insinue jusqu’au fond de ma gorge. Mes poils s'hérissent, chacun de mes muscles se crispe, le vacarme de ma conscience s’apaise : j’exalte. J’agrippe ses cheveux, il saisit ma cuisse. Je me glace, me dérobe à cette ritournelle irrationnelle bien que longtemps espérée. Il caresse mon échine jusqu’au creux de mes reins, je le repousse brusque et décontenancée. Il me considère un long moment, dans un silence morbide puis touche mes cheveux, baise mon cou. Tu n’es pas encore prête.



Dernière édition par Carmen N. Carreter le Mar 22 Fév - 19:18, édité 17 fois
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_Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. Empty
MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 19:33


    ___________________________

    Sao Paulo fut un triomphe. J’avais goûté aux délicieuses prémices de la gloire pendant près de 3 mois. J’aimais ça, être reconnue. J’existais grâce et à travers mon talent, je m’étais créé un substitut qui était capable de satisfaire toute attente, de s’adapter à n’importe quelle situation. Le seul que je ne pouvais pas leurrer était Esteban. J’avais l’impression de n’être à ses yeux, qu’une vulgaire énigme qu’il avait depuis longtemps deviné. Il me connaissait, savait mes limites, mes tares et mes vices. Mais je commençais également à percer la pléthore de secrets qu’il recelait.

    Bogota, 9 février 2008

    J’allais tenter le concours pour intégrer l’opéra de paris. Je savais mes chances restreintes à cause notamment de : mon âge, mes origines et de l’école dont j’étais issue. Je ne pouvais espérer dépasser l’océan avec un bagage aussi mince, malgré tout Esteban m’avait poussée à éprouver voir forcer ma chance outre-atlantique. De nous deux, c’était celui qui y croyait le plus, peut-être par fierté. J’étais son élève et il m’avait transmis tout ce qu’il savait et qu’il avait appris au Bolshoi. Car après tout, lui aussi était parti de rien pour atteindre les sommets. Mais moi je ne me sentais pas prête à accomplir les sacrifices que de telles ambitions demandaient …Je n’étais même pas prête à quitter ma propre mère, alors comment pourrai-je possiblement supporter l’isolement, la pression et la concurrence loin de mon pays et de mes proches ?
    A mesure que l’échéance –fatidique- approchait, toutes sortes de questions se bousculaient dans ma tête, m’embrumant l’esprit nuit et jour. Mon angoisse avait fini par atteindre son paroxysme : l’appétit et la motivation me manquaient, je ne côtoyais plus personne (enfin encore moins que d’habitude), je ne dansais plus et par dessus tout, je ne parlais plus à ma mère. Je vivais en autarcie.

    Ce fut ma très chère daronne qui brisa mon quotidien infernal trois mois avant mon départ. Faut que tu voies Esteban. M’avait-elle dit. Avait-il seulement envie de supporter la boule de nerfs à vif que j’étais devenue ? Nous n’avions plus eu de contact depuis notre retour à Bogota, il y a de cela un mois et demi. Il n’était pas du genre à prendre des nouvelles et moi non plus. Sur ce point là, nous étions pareils. Ma mère l’avait croisé à plusieurs reprises dans l’appartement de Mme Barrara, la plupart du temps pour se quereller avec elle. Depuis qu’il s’est rapproché de son père, leurs relations sont devenues encore plus conflictuelles. Son père ? Je ne l’avais jamais vu, Carmen ne l’évoquait que très rarement et pas en très bons termes. Peut-être se sentait-il coupable d’avoir délaissé son fils, ce n’était pas un phénomène exceptionnel. Et puis surtout c’était légitime. Enfin, cela constituait une raison de plus pour ne pas le voir, je détestais m’immiscer dans la vie des gens…

    Ce qui n’était pas le cas de ma mère. Un après-midi, elle pénétra dans ma chambre rouge de colère et m’expulsa purement, simplement et surtout sommairement de l’appartement. J’étais restée pétrifiée une heure durant sur le pallier, espérant vainement que la pitié et l’amour viendraient à bout de sa décision. Mais rien n’y fit. Je m’étais résignée à sortir de l’immeuble, la cervelle pétrie par le ressentiment et le désarroi. J’ai marché longtemps, parcourant les rues, les places, m’arrêtant parfois pour observer quelques artistes qui se produisaient en public. De fait, je ne me rappelais plus de l’adresse d’Esteban. Je n’étais venue qu’épisodiquement chez lui, le plus souvent pour l’attendre sur le pas de sa porte. Il habitait dans un bel immeuble du centre, dans un quartier opulent de Bogota. Je n’eus pas beaucoup de mal à le reconnaître, c’était l’un des seuls qui comportaient plusieurs balcons, un luxe dans la capitale.
    L’envie de prendre mes jambes à mon cou m’avait saisi alors que je montais les escaliers –je redoutais les ascenseurs- , car il était bien capable de m’envoyer paître, moi et mon orgueil. Mais je savais que ma mère ne m’aurait pas laissé rentrer tant que je n’aurais pas ne serait-ce que frappé à la porte d’Esteban.
    D’ailleurs, je n’eus même pas besoin de frapper, la porte étant déjà entrouverte. J’avais pénétré dans sa demeure, incertaine, redoutant la réaction que cela aurait pu engendrer si il m’avait surpris en train de fureter dans son appartement. Pourtant, il n’était pas là. En revanche, son appartement n’était pas vide. J’avais perçu une rumeur qui enflait à mesure que je m’approchais du salon, c’était des éclats de rire, des murmures puis je pus entendre des discussions, il y avait de la musique aussi.
    Le séjour au cadre épuré comportait une vue panoramique sur la place bolivar. C’était propre, agencé, déshumanisé. Il y avait quelque chose de profondément dérangeant dans la façon dont c’était aménagé, j’avais l’impression d’être dans une galerie, un lieu de passage stérile, sans âme. Et puis il y avait cette espèce de lumière mi-tamisée mi blafarde qui me rendait nauséeuse. Ah, Newèn ! Ca fait un bail…J’oubliais, la salle était bondée de monde ; mais il y avait longtemps que je me souciais plus de mes semblables. Surtout lorsque je ne pouvais pas les voir. Ca me manque de plus te voir danser. Cette fille qui semblait me porter un intérêt particulier faisait partie de la même école que moi. Je l’avoue je n’avais aucun reproche concret à lui faire et ce que j’éprouvais à son égard se rapprochait plus de la jalousie qu’autre chose. Peut-être étais-je paranoïaque. J’ai besoin d’un peu de repos en ce moment. Et elle de me répondre. Surtout pour tenter l’opéra de Paris. Je la dévisageai, interloquée. Comment tu sais ça ? Elle pouffa d’une façon ridicule. Esteban ! Je lâchai d’un ton volontairement détaché. Ah. Elle s’approcha de moi, une coupe de champagne à la main. Mais qu’est-ce que tu fais là ? Je répondis, glaciale. Et toi ? Ecarquillant légèrement les yeux, elle murmura. Il t’a rien dit ? Je détournai le regard. Elle rit. Surtout à toi, quoi. Je ripostai, agressive. Pourquoi surtout à moi ? Elle eut un rictus presque insolent. Ben je sais pas, tu le connais depuis longtemps, je pensais qu’il te faisait suffisamment confiance pour t’en faire part. Je la considérai, hautaine et entrepris de la fuir. Elle me rattrapa. Newèn, j’suis désolée ! Tu sais moi je l’ai découvert par nécessité, auquel cas je ne serai pas là ! Et ajouta dans un sourire gêné. Reste…. De toute façon, j’avais pas le choix. Okay. Elle sautilla. Génial ! Viens, goûte le champagne, il est exquis ! Hésitante, je pris une coupe et l’observai du coin de l’œil. J’aime pas trop l’alcool. Elle susurra mielleusement. Celui-là, tu vas l’aimer. Je ne lui faisais pas confiance mais la tentation de découvrir quelque chose de nouveau fut trop forte, et puis ça faisait passer le temps. Bon…Cul sec.


    Après, c’est un petit peu brumeux. Certaines parcelles de mes souvenirs restent encore obscures…Mais je sais que j’ai dansé, dansé, dansé. J’avais l’impression d’être engloutie par la masse de personnes qui se trouvaient dans l’appartement, et bizarrement certaines têtes ne me semblaient pas inconnues. Mais j’avais beau cherché, je ne pouvais poser de nom sur ces visages et puis il avait cette musique transcendante qui m’arrachait à tout questionnement inutile. Danser.

    La nuit avait pénétré l’atmosphère sans que je m’en rende compte. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il était, d’où j’étais, ce que j’étais venue chercher. Je me démembrais, bondissais, j’avais l’impression de frapper l’air avec mon corps. J’avais oublié. Dépersonnalisée.
    Dépossédée de mon corps, de mes idées, de mon cœur. Paris, Sao Paulo, Bogota, Maman, Carmen, la danse, l’école, Esteban, cette fille, la bouffe, la musique, l’alcool, l’hôpital, la voiture, la forêt, les enfants, moi. Newèn ! Rien à foutre. Je sentis une main empoigner mon avant-bras et m’entraîner je ne sais où ; j’eus pour seul réflexe de frapper l’air avec ma main libre. Je percutai un visage puis deux, je m’acharnai, frappai tout ce que je pouvais jusqu’à ce qu’on me lâche. Casse toi ! On me saisit alors par la taille, je me débattis telle une furie, heurtant violemment quelques corps difformes que je ne pus discerner correctement. Couloir, cuisine, silence. Je m’affairai à retourner de l’autre côté mais on claqua la porte devant mon nez. Qu’est-ce que tu fais là ? J’eus un sourire béat. Y a un truc que tu ne m’as pas dit. Il leva les yeux au ciel. Depuis quand j’dois te rendre des comptes ? Je m’assis sur le carrelage, l’air troublée. Y a des flashs dans ma tête, c’est bizarre. Pause. Ca passera. Je continuai. C’est comme une impression de déjà vu mais plus puissante encore… Il soupira une fois de plus. Il faut que tu partes. Je m’étendis par terre. J’pense que Paris va me plaire. Il tenta de me prendre dans ses bras mais je rampai par terre. Laisse moi…et puis elle est où l’autre ? Je me relevai péniblement. Viens. Il me prit la main mais je le repoussai violemment. T’es qu’un sale con. Dans un élan de colère, il saisit mon bras et me traîna dans l’appartement jusque dans sa chambre. Là, il me balança tel un vulgaire sac de riz sur le lit et m’enferma avec lui. Je me précipitai vers la porte mais il me frappa avec une de ces forces que je m’effondrai par terre. C’eut un effet limite cathartique sur moi…Je me tus. Il s’agenouilla. Je suis désolé. Il me souleva, je restai inerte dans ses bras. Il m’allongea sur le lit, laissa fureter son doigt sur ma joue. J’ai toujours aimé tes yeux. Je le regardai. T’es ridicule. Rien, pas un regard, pas un compliment, pas une confession en presque quatre ans et il choisissait ce moment de pur délire –excusez moi du peu- pour délier sa langue. Il savait à quel point j’accordai du crédit à ses paroles et il se servait de ça pour me manier à sa convenance. Je vais rester jusqu’à ce que tu t’endormes. Connard.

    Je ne sais pas si c’était de l’amour, du moins pas au sens conventionnel du terme. Il était magnétique et troublant à la fois. J’avais l’impression de me retrouver dans son âme en berne, alanguissante. Nous espérions le même idéal, partagions la même ambition et redoutions le même écueil. Celui de disparaître dans la masse putride. Il y avait quelque chose qui nous appartenait, une espèce d’arcane dont nous seuls avions la connaissance.
    Mais il existait toujours un seuil qu’il refusait de transgresser. Peut-être redoutait-il que je ne le détruise ou l’inverse. Nous n’étions jamais totalement vrais, jamais totalement nus. J’ignore ce que nous étions ensemble mais je sais qu’avec lui, je me sentais vivre.



    Point de vue d’Esteban Barrara


    Il y avait quelque chose de tragique chez elle qui m’enivrait. J’avais beau exécré sa façon de se comporter, cette putain de manière qu’elle avait de tout prendre avec sérieux, comme si sa propre vie en dépendait, elle exerçait sur moi un attrait que je ne savais expliquer. Je détestais cette fragilité exacerbée qui se manifestait quand elle dansait. Avec elle, tout semblait précaire et éphémère. Elle vous donnait l’impression d’être à la fois faible et invulnérable. C’était un protée sans visage ni identité flânant en marge de la réalité. Vous ne la possédiez jamais vraiment. Elle échappait à tout contrôle, y compris au sien.


    Bogota 10 février 2008, dans la nuit.

    Elle s’était enfin endormie après plus de deux heures d’hallucinations, de cris et d’insultes. Je ne l’avais jamais vue agir de la sorte, elle ne lâchait jamais la bride, ne s’abandonnait jamais totalement à ses pulsions. L’alcool avait réveillé une façade de sa personnalité qui la rendait encore plus saisissante. Elle vivait dans l’illusion d’un monde rationnel et hermétique alors même qu’elle était excessive et irrationnelle. Et je crois sincèrement que j’étais un des éléments qui bouleversait son univers incertain. Avoir ce pouvoir sur elle me grisait. Esteban, arrête de rêver et viens danser ! Atterrissage brutal dans la réalité. Lâche moi, j’ai un truc à régler. Elle m’agrippa et maronna. Où elle est l’autre là, Newèn ? Je la repoussai le plus loin possible, elle puait l’alcool comme une station d’épuration puerait l’ordure. Hey, t’en aurais pas un peu là ? Je lui crachai, excédé. Va mendier ta merde autre part. Elle me gratifia d’un geste obscène et alla se perdre dans le conglomérat de gens qui dansait au rythme de la musique. Je parcourus mon appartement et parvins finalement jusque dans une grande pièce qui faisait office de bureau-petit salon. T’étais où ? Refermant la porte à clé, je répondis. Une colle que j’ai du régler. Mon père acquiesça d’un air désinvolte puis repris sa discussion. Il y a eu un problème à la frontière, les flics ont arrêté le camion qui transportait les marchandises. C’était à toi de t’en charger. Je sais, la police est sous mon contrôle dans ce secteur, seulement cette fois-ci, ce sont les douanes américaines qui se sont chargées du camion. Je m’assis sur un fauteuil et suivis la conversation d’une oreille peu attentive. La solution serait d’emprunter d’autres routes mais le coût des transports serait alors plus élevé. L’autre homme qui faisait face à mon père fronça les sourcils et caressant sa joue, déclara. Débrouille toi pour qu’il n’y ait pas d’extra. Mon père ne répondit rien, il se contenta de passer une main sur ses cheveux gominés puis il poursuivit la discussion. Y a les pistes clandestines mais ça présente un certain danger. L’autre lui coupa la parole. Minime par rapport aux routes « officielles ». Mon père haussa les sourcils. Comme tu veux. Je le dévisageai, stupéfait par la manière dont il semblait se détacher de la conversation. A ma droite, son collaborateur murmurait un amas de paroles inaudibles à l’individu qui l’accompagnait. Cet homme qui avait sèchement repris mon père, était l’un des membres les plus affluents des FARCS. Un militaire accompli qui s’était recyclé dans la vente de cocaïne, domaine partiellement contrôlé par les FARCS en Colombie. Mon père était un collaborateur, politicien véreux qui cherchait à arrondir ses fins de mois déjà concaves en s’investissant dans le narcotrafic. Moi, je n’étais encore qu’un novice, on me tolérait mais on ne me confiait rien. Mon appartement était devenu un lieu de rendez-vous réguliers mais je n’étais pas impliqué outre mesure, malgré tout mon père espérait toujours que je prenne la relève. Vieux stéréotype du père passant le flambeau au fils prodige. Il n’y avait guère que des motivations financières qui me poussaient à converser avec eux, autrement tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à la drogue m' intéressait peu. En ce moment –et à mon grand damne-, Newèn était sans doute ce qui m’attrayait le plus. Peut-être parce qu’elle constituait la seule chose qui me rattachait encore à la danse ou bien...

    Je ne sais pas.

    _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. Stock23

    Would you share all your dreams with me for the rest of our lives?


    C’était la nuit la plus horrible que j’avais passé. Tout me revenait par flashs incontrôlables et véhéments, je n’avais jamais eu un mal de tête aussi puissant, aussi dévastateur. Et pour cause, je pouvais à peine ouvrir les yeux dans le noir. Je ne me rappelais même plus de ce que j’avais fait la veille, j’ignorais même si c’était la veille ou si cela était arrivé il y a seulement quelques heures ou quelques jours. J’étais complètement déboussolée, perdue. Je ne savais même plus où j’étais, comment j’avais atterri sur ce lit, dans cette chambre, d’où me venait cette douleur qui me lançait dans la joue. Et puis j’avais terriblement faim, j’aurais pu absorber un oreiller si j’avais pu. Putain. Mais pour l’instant je prenais une douche. Chaque goutte d’eau qui s’écrasait sur le sol était un supplice pour ma cervelle, c’était à m’en rendre folle. Je gardais les yeux clos de peur qu’une douleur encore plus atroce ne me frappe. En fait j’étais privée de tous mes sens, excepté le toucher. La sensation de l’eau purifiant ma peau de toute la crasse -physique et intellectuelle- que j’avais accumulé en seulement une soirée était encore ce qui m’empêchait de ne pas faire une crise de nerfs. Je coupai l’eau, sortis de la cabine, vaquai dans la salle de bain en quête d’une serviette –et ceci les yeux fermés-, m’appuyai sur ce qui semblait être un lavabo et ouvris les yeux dans un élan de courage insensé. Je fus d’abord prise d’une envie de vomir mais comme pas permis. Ensuite, je ressentis une espèce de boule rigide qui remonta du plus profond de mon estomac jusqu’au cœur de ma cervelle. Et enfin, je finis par avoir un genre d’hallucination que je ne saurais vous décrire tellement c’était étrange et effrayant.

    Y avait cette espèce de forêt gigantesque qui m’englobait et puis des visages que j’arrivais pas à reconnaître. J’avais l’impression d’être l’actrice principale d’un mauvais thriller hollywoodien traitant de la paranoïa.

    Je sortis en trombe de la salle de bain et me précipitai vers l’autre porte de la chambre. Fermée. FERMEE ? Hé, oh, ouvrez ! Je martelai la porte avec mes mains, mes pieds, mes épaules, enfin toutes les parties de mon corps qui étaient susceptibles de faire du bruit en se cognant contre le bois. J’entendis un cliquetis, j’ouvris alors la porte avec précipitation. Newèn ?! Mais… . Et la bousculai brutalement, je courus jusque dans le salon et réalisai que mon délire avait pris fin, même si mon mal de crâne, lui, persistait. T’as vraiment besoin de te détendre. Je me retournai et vis la fille d’hier, une pomme dans les mains, s’asseyant nonchalamment sur un sofa déjà squatté par je ne sais quel être difforme. Je vais repartir. Elle rit. Dans ton état, faudrait mieux pas et puis t’as une tête de dé-te-rr-ée ! Je m’assis à ses côtés. Il est où… Esteban ? Envolé ! Il était avec des mecs à un moment pis il s’est barré. Je soupirai. Il aurait fallu que je le voie. Elle me dévisagea avant d’ajouter. T’as passé la moitié de la soirée avec lui, meuf et le connaissant…Je l’interrompis. Jm’en serai souvenue. Elle rétorqua. Je m’en suis pas souvenue moi, à croire qu’il laisse pas de traces. Je murmurai, luttant à la fois contre mon mal de tête et l’envie de l’étouffer avec le coussin du canapé. Il en laisse jamais.
    _____________________________

    J’étais restée toute la journée avachie sur le canapé à essayer de retrouver mes esprits partis dans je ne sais quelle dimension chaotique. L’autre n’avait pas arrêté de m’abreuver de paroles superflues jusqu’à ce que mon mutisme ne la fasse abdiquer. Elle fut l’une des dernières à quitter l’appartement. Toute l’après midi j’avais vu une procession de petits bourges partir de l’appartement en attendant le moment où elle se déciderait à décamper. J’avais du mal à comprendre comment il pouvait ainsi délaisser sa propre maison, n’accordait-il donc aucune importance aux choses qu’il possédait ?

    Bon, j’vais me barrer. Je me levai péniblement, les jambes ankylosées par l’après-midi-décuvage-amorphe-sur-le-canapé que je venais de passer. Curieusement, je n’avais plus repensé aux hallucinations dont j’avais été victime dans la salle de bain, j’imagine que ce n’était que les effets secondaires de l’alcool et de tous les autres produits que je devais avoir ingurgité la veille. Ouais, c’était sûrement ça.
    Je retournai dans le couloir, la tête embrumée, le cœur chancelant et le corps endolori. Clap. J’eus un haut-le-cœur, la porte venait de claquer, est-ce qu’il était revenu ? Je ne voulais pas le voir (alors que je venais de passer la journée à l’attendre). Je pénétrai dans la chambre, enfilai mes vêtements qui traînaient sur le parquet et adoptai une moue inexpressive. Respire. Sors. Traverse le couloir. Je le croise. J’ai l’impression que ma circulation sanguine se stoppe. Il me regarde. Il est glacial. Je déglutis et continue mon chemin. Il ne dit rien. J’ai pas envie de partir à Paris. Silence de mort. Je veux rester ici. C’est ta décision. Dis moi ce que t’en penses. Tu devrais commencer à prendre ta vie en mains au lieu de toujours te reposer sur moi ou les autres. Tu dois rien à personne, et surtout pas à moi. Il serait temps que tu réalises ça, t’as rien à me prouver et t’as aucun reproche à te faire. Il s’approcha et tapota ma tête avec chacun de ses doigts. Mais tout ça, ça se passe là-dedans. Te pose pas de questions, agis. Tout ne t’est pas fermé. Il me sourit. Si tu veux quelque chose, prends le. Cesse de tout idéaliser, de te refuser à tout, de te masturber le cerveau pour rien. Il laisse glisser ses doigts le long de ma joue et saisit mon menton. Ou tout finira par t’échapper. Mon cœur se remplit comme un ballon qui s’apprête à exploser. Je m’attache à ses lèvres. Il ne réagit pas. Mes doigts sillonnent sa nuque, son souffle s’accélère, me brûle le visage. Il m’étreint. J’explose. Mes émotions s’égrènent, se désagrégent, coulent autour de moi comme de la pluie. Un vide immense inonde mes pensées, dissipe mes souvenirs. Il s’approprie mes hanches cachectiques. Ses lèvres effleurent mon cou. Nos regards s’enchevêtrent. Je suis inerte. Il m’ôte mes vêtements, fais de même avec les siens. Nos mouvements s’harmonisent, nos sentiments s’épanchent. Il m’enseigne l’ivresse.

    Je vivais.

    Il m’avait promis le monde. Il disait que j’allais devenir une étoile comme lui. Il disait que nous allions vivre à Paris, tous les deux. Il disait que nous allions connaître fortune et bonheur. Il m’avait menti. Trompée. Il m’a abandonnée.

    Appartement d'Esteban, avril 2008.


    Je vais arrêter. Il caresse mes cheveux, me considère, j’ai l’impression d’exister. Ca fait cliché, je sais. J’ai déjà planifié mon départ. Je masse mes pieds, étire chacun de mes muscles, fait craquer mes os. Et ton père ? Il en pense quoi ? J’enfile mes chaussons, m’échauffe. Barre à terre. Je lui ai pas demandé son avis. Il prétend être un électron libre mais je doute qu’il n’ait demandé l’approbation de son père, ne serait-ce que pour assurer ses arrières, et les miens par la même occasion. Je me lève, emplit mes poumons d’air et commence par des pointes. Pourquoi tu fais ça chez moi ? Je lui répliquai, parfaitement concentrée. J’ai pas envie de voir les poufs de la salle de danse. Il soupira. A Paris, t’en verras de la pouf. Je souris. En admettant que je sois prise. Il replaça mon bassin. Je me fais pas de soucis pour ça. Baiser dans la nuque, doigts glissant sur mes omoplates, il quitte la pièce. Je profitai de ce moment de solitude pour avoir un sourire radieux, satisfait. J’avais l’impression de construire le socle d’une nouvelle existence, de revivre. J’ignore si c’était le fait d’Esteban ou de l’effervescence qui se développait en moi à mesure que le départ se rapprochait mais pour la première fois de ma vie, j’avais le sentiment que tout ce que je faisais avait un sens. Il m’avait apporté confiance et quiétude, m’avait transmis le meilleur des enseignements. Celui de vivre au jour le jour, de savourer et de posséder chaque instant. J’étais…Toc, toc. Perte d’équilibre, soupir mécontent : quelqu’un vient de frapper à la porte. Je me dirige vers le couloir, les sourcils froncés. Qui est… Coup de feu, la serrure saute. Instinctivement, je cours dans la chambre. Il n’est pas là. Je m’apprête à ressortir mais je les entrevois –deux hommes et une femme- pénétrer dans l’appartement. Je retins un cri de terreur.

    Ce bruit caractéristique…Je le connaissais. Ca me terrorisait, me déchirait le ventre, me martelait le crâne.

    Réflexe. Le lit. Le sol. Je suis tellement maigre que j’arrive à me faufiler à travers la fente. Je les entends crier, foutre le bordel –dans l’appartement et mon esprit-. Je sanglote. C’est la première fois que je sens des larmes couler sur mes joues. Ils rentrent dans la chambre, fouillent, stagnent, prononcent quelques mots, partent. Il y a des coups de feu, des portes qui claquent. Puis plus rien, le vide. Règlements de compte. Je reste pétrifiée. Il y a des images, des visages, des sons qui défilent, se bousculent, jaillissent. Esteban. Je m’extirpe de ma cachette, m’écorche le front, sors avec précipitation de la chambre. Paniquée, je cours, parcours. J’ai mal à la tête. Il y a des impacts de balle sur le mur. Y a du sang par terre. Son corps gît sur le sol. Il a les yeux fermés. Balles dans la tête et dans le ventre. Mes genoux fléchissent, le sang imbibe mon collant. Tout part en éclats. Excepté ma mémoire qui se reconstitue à la manière d’une toile d’araignée, comme si un mécanisme s’était soudainement remis en marche. Muette, j’étend mes mains sur ses plaies –son sang est brûlant-. Je pose ma tête sur sa poitrine. Son cœur bat encore.

    Je me souvenais. C’était comme si l’odeur du sang et l’apparat de la mort avaient réveillé mes souvenirs. Mais je ne me sentais pas coupable, je n’éprouvais aucune honte, aucuns remords, tout simplement car j’avais l’impression que ce passé ne m’appartenait pas. Que plus rien ne m’appartenait. Je désirais une seule et unique chose : vengeance.


    ___________________________________
    Il était à l’hôpital, plongé dans un coma profond. Sa mère avait élu domicile dans sa chambre et s’était jurée de rester jusqu’à ce qu’il se réveille. Chose qui n’arriverait probablement jamais. Je ne voulais pas espérer. Dépossédée.
    Je réclamais vengeance. Je pensais que c’était la seule chose qui pourrait apaiser la douleur qui s’était emparée de mon cœur et de mon âme. Qui pourrait me débarrasser de cette sensation désagréable d’impuissance. J'allais utiliser mes souvenirs pour purger le mal que j'avais fait, qu'on lui avait fait et qui m'avait été fait.
    J’avais l’impression de m’effacer, de me confondre avec le néant. J’avais perdu mon guide. Plus rien n’avait de sens, pas même la danse. J'avais tout bonnement abandonné la danse.


    Ambassade des Etats-Unis, Bogota, juin 2008.


    Vous étiez donc amants ? Je ne sais pas vraiment, je le voyais, enfin je le vois plus comme un mentor. Et lui, quel était son sentiment par rapport à la relation que vous entreteniez ? Je ne sais pas, il n’est pas du genre à s’épancherIl ne vous confiait rien alors ? Il y avait certaines choses qu’il me disait, d’autres qu’il gardait pour lui. Vous avait-t-il parlé de ses activités ? Lorsqu’il a commencé à me faire réellement confiance, nous avons abordé le sujet. Et que vous a-t-il dit ? Qu’il s’était investi dans le narcotrafic…J’humectai mes lèvres. Par nécessité. Il m’avait, il m’a promis qu’il laisserait tomber pour me suivre à Paris. La femme acquiesça. Et connaissiez-vous ses collaborateurs ? Il y avait son père, Juan Barrara, qui passait souvent le voir. Il voyait également d’autres hommes mais de manière sporadique, je ne pourrai associer de nom à leur visage. En revancheEn revanche ? Je baissai les yeux. Il y avait cet homme que j’étais persuadée de connaître, je l’avais déjà vu quelque part, je l’avais déjà entendu…Pause. Raul Ivanez. Oui, à l’époque je ne me souvenais pas de son nom. Il faisait partie des FARCs. Exact, c’était un des principaux commandants, le seul que j’ai vu durant toute mon enfance. Lorsque vous étiez soldat. J'eus un haut le coeur. Oui. Sans quitter des yeux son ordinateur, mon interlocutrice me demanda d’une manière presque solennelle. Vous souvenez-vous d’autres noms, d’autres faits…. Son collaborateur, c’est également un membre des FARCs : Joaquin Ramirez. Il lui arrivait d’accompagner Ivanez pour ces « réunions ». La femme reprit. Vous avez déclaré à la police colombienne avoir quelques souvenirs « brumeux » de plantations de coca dans la forêt... C’est vrai. Seriez-vous capable d’identifier exactement les lieux ? Je ne pense pas. Une dernière question…Elle m’observa. Seriez-vous prête à témoigner contre Raul Ivanez, Juan Barrara et Joaquin Ramirez ? Pause, silence de mort. Oui. Etes-vous consciente des conséquences que cette décision aura sur vous, votre vie, celle de votre famille, voir de votre compagnon ? Compagnon...Oui.

    J’allais contribuer au démantèlement d’un des plus importants cartels de Colombie, et pour ça il fallait que je renonce à tout ce que j’avais connu à Bogota. Mais j'en avais rien à faire.


    _____________________________________________________________

    New York City, Janvier 2011.

    New York. La jungle urbaine par excellence. Lorsque je vis la ville pour la première fois, j’eus le sentiment d’être une fourmi pénétrant dans la plus grande et la plus hétéroclite des fourmilières du monde. Il y a ces immeubles immenses semblant sortis des entrailles de la terre qui pavent les rues, ces avenues gargantuesques comme d’énormes trouées dans l’infini qui forment un labyrinthe gigantesque et imprévisible, cette atmosphère, cette aura qui vous transcende et vous fait renaître, et puis il y a cette impression inconditionnelle d’être dans un film. La ville regorge de références qui impriment l’empreinte des différentes cultures façonnant le visage de New York. Le métro, les trottoirs, les taxis, les magasins, les quais, Manhattan, Brooklyn, Staten Island, le Queens, le Bronx, les gens…Tout et rien co-existe, formant le cœur battant des Etats-Unis. C’est un puit d’opportunités et de désillusions, tu te pointes à New York avec un sac rempli de rêves, et puis petit à petit ton sac se perce, tes rêves s’envolent, si t’es chanceux tu peux espérer en garder un ou deux : if you want to make it big, then go to new york. Moi je voulais juste me ranger, trouver ma place dans l’immensité dantesque de la ville, prendre un café dans mon quartier, travailler du midi jusqu’au soir, faire des rencontres fortuites, faire semblant de vivre pour ne plus penser.

    Je n’avais plus de passé, pas d’avenir. Ils m’avaient offert New York pour faire peau neuve, avoir une nouvelle vie, pour effacer mon passé et absoudre mes fautes -en échange de mon témoignage-. Je m’appelais Carmen Neena Carreter, fille de Dolores Carreter, je venais d’Espagne, j’avais arrêté mes études après le lycée et j’étais devenue cuisinière dans un bar plus ou moins fréquenté d’un quartier branché de Brooklyn, et puis j’avais pas de copain. J’habitais dans un studio avec ma mère retraitée et je pratiquais le flamenco et la salsa le samedi soir. Je savais rien de la Colombie, des FARCs ou du gouvernement américain. Je ne savais rien du programme de protection des témoins, je ne savais rien de tout et de rien. J’étais invisible.

    J’avais tout abandonné, tout laissé derrière moi. J’avais quitté tout ce que je connaissais, j’avais enterré Esteban au fin fond de ma conscience. Mes souvenirs me hantaient nuit et jour mais j’avais appris à vivre avec eux. J’avais appris à vivre par substitution.


Dernière édition par Carmen N. Carreter le Jeu 24 Fév - 19:45, édité 10 fois
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 19:56

    Bienvenue à NYC miss !
    Bon courage pour ta fiche et si tu as des questions n'hésite pas, le staff est à ta disposition. =)
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 19:57

Bienvenue à toi, bonne chance pour la suite de ta fiche! cheers
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 20:00

bienvenue :brille:
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 20:25

Bienvenue Carmen et bon courage pour cette fiche ! =)
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 20:26

Merci à vous, Smile .
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 20:36

Bienvenue et bonne continuation
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeSam 12 Fév - 22:31

Bienvenue Wink
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeDim 13 Fév - 11:35

Miam Miam Que du bon ! :brille:

Bienvenue à toi & bonne continuation pour la suite ! Very Happy
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeDim 13 Fév - 13:46

T'es tellement facile à griller, mon dieu, j'sais pas comment tu fais pour que j'te reconnaisse à chaque fois XDDDD

BIENVENUUUUUUUUUUUUUUUUE <3333333333333333
*bisoute*
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeDim 13 Fév - 15:48

Merci encore ! =D

C'est peut-être parce que tu connais mon moi virtuel par coeur, Rolling Eyes .

Cimer, meuf ! *lui roule un patin d'enfer*
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeDim 13 Fév - 22:37

J'avais limite pas encore lu la partie HJ que j'avais deviné que c'était toi x') Mais j'ai été confuse, t'as pris une BRUNE ! x')

En espérant que cette fois soit la bonne ! Wink

*roule un patin en retour*

(et contente de te retrouver ma p'tite !)
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeMar 15 Fév - 22:40

Ca m'énerve, à chaque fois ma couverture vole en éclats, Rolling Eyes . ENH ! T'imagines même pas le temps que j'ai passé à chercher une model brune, pas trop connue et surtout BELLE sans être vulgaire ou banale. C'est clair que je préfère les blondes mais bon j'ai voulu changer(pis en plus, une blonde colombienne....même métisse, ça passe pas trop).

Bref, j'espère aussi...Ahem.

(eh ouais je t'ai manquée ! leche )
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeVen 25 Fév - 1:02

*TINTIN*

J'ai fini ! leche Fautes parsemées un peu partout, phrases sans queue ni tête,histoire à rallonge, fin bâclée mais finie !
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeVen 25 Fév - 19:33

Je m'occupe de lire ça Smile
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MessageSujet: Re: _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu.   _Je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne pas avoir assez vécu. I_icon_minitimeVen 25 Fév - 19:57

Ton histoire m'a littéralement scotchée sur place. Non seulement je trouve l'écriture magnifique, mais le contenu est conté à merveilles. C'était très poignant. Et, j'aime énormément ton personnage à la fois original et très encré dans la réalité. J'ai hâte de voir ou cela va te mener.

Bref, tout ça pour dire que je te valide avec un grand plaisir Smile
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