▬ « Vas-y, raconte gamin » Le vieux insiste, ça fait des heures qu'il se penche sur ce cas d'ailleurs, que sa voix grave résonne dans les tympans du jeune russe et dans tout le bar. Il n'a pas la tête à ça, pas maintenant. Il renifle une énième fois, accompagnant son action par un revers de la main contre son nez. Sa paume retombe sur son jean crasseux, s'essuie contre le tissus. A quoi bon s'emmerder avec un mouchoir ? Avec les bonnes manières ? Alors qu'il met tout juste les pieds dans un endroit qui semble civilisé. Ça lui paraît bizarre qu'un bar soit vide ainsi en pleine journée, dans une ville aussi peuplée que celle où il a atterrit depuis 2 ans. Peut être parce que c'est l'hiver ? Parce qu'au dehors les nuages ont recouvert le ciel depuis plusieurs mois, l'emballant dans un épais manteau gris tantôt pluvieux et tantôt neigeux ? En Russie tout le monde se fout royalement du temps qu'il fait. Les températures négatives n'empêchent personne de sortir, personne de vivre contrairement à ici. Si la guerre froide n'avait pas été qu'un évitement de combats, si elle avait été plus directement au cœur des choses, les américains n'auraient pas passé plus de deux semaines sur le territoire où il est né. Il s'est toujours demandé pourquoi sa patrie et celle-ci étaient ennemis. Finalement à part le nom attribué à la politique de l'état, les gens ne sont pas si différents. Les américains sont aussi bruyants que les russes bourrés, ils sont aussi froids, distants et égoïstes, ils n'ont que faire des gens qui les entourent, de la pauvre vieille qui va se péter la jambe à cause du verglas ou bien à cause d'une plaque d'égout. La différence vient probablement du fait qu'ici elle pourrait faire un procès et gagner...D'ailleurs pourquoi ce type s'est mis en tête de le recueillir ici ? Parce que c'est bientôt noël ? Il faut faire sortir la bonne charité protestante du placard et montrer au reste du monde que les états unis sont une nation de droit et de partage ? Cette idée fait rire Dimitri, il arrive à s'esclaffer malgré le froid qui paralyse ses muscles et l'alcool qui brûle sa trachée. Il plonge ses grand yeux pâles dans ceux du vieux qui semble attendre encore une réponse malgré les minutes – voir même les heures, il n'en a aucune idée – qui se sont écoulées.
Que dire ? Oui qu'est ce qu'il pourrait bien lui sortir ? Par où commencer ? Et surtout avec quels mots ? Ça fait peut être deux années qu'il est arrivé ici mais les grands discours en anglais il n'en a jamais fait. Il a apprit des brides de la langue, serait capable de vous demander une petite pièce, une clope, l'heure ou bien dire qu'il n'a pas de papiers, qu'il cherche un centre pour sans-abris, qu'il ne veut pas repartir chez lui ou bien qu'il cherche du travail et à manger. Oui ça, le nécessaire il peut le formuler. Mais parler de sa vie ne s'était jamais présenté comme vitale jusqu'à aujourd'hui.
Il pourrait d'abord tenter de dire qu'il est né en Russie, ça serait déjà un bon début. Moscou est une ville connue de tous en plus, aussi ignares soient les américains. Il pourrait éveiller la curiosité du type comme ça. Il pourrait enchaîner ensuite sur ses origines, son père, sa mère. Un couple qui s'est enrichie par des manières pas très légales comme c'est de coutume là bas. Sa mère s'appelle ou s'appelait Anushka - il ne sait pas si elle est encore en vie - fille de deux ouvriers, le symbole même de la Russie - de l'URSS plutôt - Deux rouges plein d'espoir avec des quignons de pain à bouffer pendant deux jours, la représentation même du « passe moi ta montre je te filerais l'heure ». Il ne les a jamais connu. Son père s'appelait Nikolai, lui il n'avait jamais parlé de ses parents, il s'était contenté de rejoindre une zone de la mafia, d'en buter le dirigeant et d'en prendre les commandes dans l'espoir de ne pas se faire buter lui même. C'était un homme froid, violent qui frappait allégrement sa femme et Dimitri. C'est vrai que c'est tellement plus marrant de jouer avec deux êtres n'étant pas en mesure de se défendre...Ils vivaient dans une villa à 4min de Moscou en voiture. Nikolai y ramenait souvent ses collèges, quelques uns avaient abusés d'Anushka mais ça n'était rien ! Il fallait avoir des tripes, être un vrai mâle, il fallait que Dimitri soit comme son père ! Le business s’étendait de la drogue jusqu'au trafic d'arme, il fallait ratisser un maximum de terrain pour s'en mettre plein les fouilles. Et puis quand Nikolai n'était pas à la maison, il disparaissait on ne sait où, laissant sa chère famille sans argent et sans nourriture, avec juste les yeux pour contempler les tableaux volés, les pianos d'acajou et les robinets de marbre.
Oui, voilà, Dimitri, du haut de ses 20ans pourrait répondre au barman par ça dans un premier temps. Puis il pourrait enchaîner sur son éducation, le fait de se ramasser des coups de cravache si il n'épatait pas la galerie avec ses leçons de piano ou de cheval donnés par des professeurs particuliers un peu mous puisque la moitié des écoles étaient bondées ou bien cramées à cause de l'ancien régime. Il pourrait dire qu'il est né au mois novembre, que son anniversaire vient de passer d'ailleurs ou bien il pourrait de suite enchaîner sur ce qui la amené ici.
Il tenterait alors de dire qu'à ses 17ans il a rencontré une fille de son age, Natalia. Le genre de beauté qu'on ne peut décrire parce qu'à un tel niveau on ne peut y mettre de mot. Le genre de personne douce, intelligente, sensible, un peu maternelle sur les bords qui parvenait à illuminer toute une pièce de par son sourire, enfin selon lui. Il pourrait expliquer qu'il en est tombé amoureux tout naturellement et que son père s'est moqué de lui, s' en est foutu publiquement, qu'il a attrapé Natalia par les cheveux en s'esclaffant, en menaçant de la planter si il ne montrait pas qu'il « en avait », de quoi rentrer dans son groupe et travailler pour la petite entreprise familiale. Ça n'était qu'un jeu, qu'un moyen de pression comme on menace le petit garçon de le mettre au coin....Il pourrait trouver une formule américaine pour développer le fait qu' à ce moment là il s'est énervé, qu'il n'a plus tenu, plus voulu être émasculé, rabaissé, frappé, qu'il n'a pas désiré prendre part à tout ce business dégueulasse, qu'il a voulu partir mais qu'il fallait agir à un moment donné...Ça n'était pas sa faute, il n'est pas du genre à tuer les gens, ça le hante nuit et jour il le jure ! Il a prit la hache contre le mur de bois de la cabane qui servait à ranger les outils de jardin, que pendant que son père riait de le voir tourner le dos une nouvelle fois tout en tenant la chevelure de geai entre ses doigts crochus il s'est retourné, il a foncé vers lui. Nikolai a juste eut le temps de lâcher Natalia qui s'est enfuit, glacée de peur. La hache n'a pas ripé, elle a tranché net, elle s'est plantée sur le côté du cou et est restée là, pendant que le quinquagénaire s'est effondré. Quelle idée d'entretenir ainsi des outils qui ne servaient jamais....
Pour terminer Dimitri pourrait dire qu'avec l'aide d'un ami il a rejoint les côtes New-Yorkaises, qu'avant de partir, deux des associés de son père ont débarqués chez lui et sa mère, qu'il les a descendu en ayant le sac sur le dos. S'expatrier dans le pays ennemis, le pays de la liberté était la meilleure des solutions. Il pourrait conclure en récapitulant ses galères, la mendicité pendant 2 années, les soupes à peine chaude des centres, l'apprentissage difficile de la langue qu'il ne maîtrise pas bien, les bagarres entre clodos défoncés...Oui voilà, ça serait un bon moyen de tout résumer.
Dimitri passe sa main sur le bois du bar, il perd son regard sur le liquide brun qui luit dans son verre, puis la tend vers le type qui la mis au chaud. C'est avec un accent bien marqué qu'il prononce « Je m'appelle Dimitri », le vieux lui empoigne la paume avec fermeté « Et moi Bill ».

▬ « Putain Bill lâche le » Dimitri suit son mentor de près sans pour autant l'arrêter. Il l'observe traîner le gamin par les bras, les lui déboîter presque sans ménagement; ses pieds traînent avec eux la bouillasse qui marque le couloir de la cave. Le pauvre type est inconscient, complètement défoncé par l'alcool et le GHB que le russe a lui même glissé dans son verre sous les ordres de son hôte. « Laisse moi faire gamin et fais gaf' à ton accent jt'ai dis » La voix de Bill se veut rassurante, paternaliste comme toujours. Ça fait 8 ans qu'il est à New-York, 6 qu'il vit chez lui et 26ans qu'il est venu au monde et dans tout ces chiffres il est éternellement considéré comme un môme irresponsable, incapable de se débrouiller par lui même, incapable de façonner son futur de ses propres mains. Mais il ne va pas se plaindre, il a enfin un toit, de quoi manger, se nourrir, apprendre l'anglais...sauf qu'il est le parfait joujou d'un vieux fou...Il faut croire qu'il faut savoir faire des concessions parfois. Et en parlant d'accent il peut l'ouvrir lui avec ses intonations sudistes à la limite du cajun ! Non Dimitri ne prendra pas part à cette nouvelle affaire sordide ! Du moins il n'ira pas plus loin, il ne comprend même pas pourquoi Bill fait ça, pourquoi il lui a ordonné de frapper ce gamin après l'avoir drogué. Il le regarde faire, soulever le gosse et l'asseoir sur une chaise à moitié cassée qui provient du bar. «  Alors ! Je t'explique, le petit Abraham, ce messie vient souvent dans notre cher maison. Au début il fêtait son diplôme de l'institut polytechnique ! Bonne nouvelle hein ? Tu sais là, la merde politique que j’essaie de t'apprendre depuis 6 mois et que tu refuses d'ancrer dans ton crâne de rousskov' de mes deux. » Il souffle bruyamment, il a beau être fort l'age ne l'aide pas à tirer plus de 120 kilos seul. « Puis ensuite il est venu pleurer la mort de ses chers parents le gros bébé...Tu suis le mouvement gamin ?» Dimitri entre dans la pièce, quitte le pas de la porte et l'aide à hisser l'homme, sans un mot. Il commence déjà à avoir des signes de conscience, il cligne ses yeux bleus, émet des râles de douleur quand au coup qu'il a ramassé sur l'arrière du crâne. Dimitri attrape la batte de base-ball posé contre le mur et en remet un coup, à contre cœur. Il en aura fallut des doses de cheval pour l'endormir, ils n'en sont d'ailleurs pas à leur premier coup d'essais pour ça.
Et non Dimitri ne suit absolument pas le mouvement. Comment pourrait-il ? Bill agit et explique ensuite généralement. Il a des plans tordus, des idées saugrenues qui réussissent toujours bizarrement. Il s'est mit en tête de lui apprendre l'anglais, l'histoire de l’Amérique et d'autres civilisations en plus de ce qu'il sait déjà sur l'Europe. Il fait en sorte de le mettre sur le chemin de vieilles femmes fortunés, il veut qu'il les charme, qu'il couche avec pour un peu d 'argent histoire de l'intégrer dans la « haute », d'arrondir les fins de mois et surtout payer les charges du bar qui tombe en ruine...Bill est un fou, un fou heureux qui invente en permanence pour se sortir de la merde et Dimitri exécute ce qu'il lui commande. Il se fait un fixe rapide avant d'endosser son beau costard, de jouer les gigolos, ça l'aide à assumer, à assurer surtout quand la vision ne lui plaît pas. C'est pas évident de se trouver excité par de la peau fripé, par la perruque grisée cotonneuse et par le Chanel appliqué à haute dose. C'est pas évident de retenir son accent, de retenir le naturel, le dégoût, d'inventer des histoires, des prénoms et des identités diverses pour faire rêver, entretenir le mystère, assouvir les fantasmes. Il est obligé d'observer, si il n'arrive pas à séduire il peut passer pour un jeune pervers, un vicieux qui veut leur fortune – ce qu'il est bien sur, mais sous la contrainte du mentor. Il doit instaurer un climat de confiance, jouer les jeunes héritiers, apprendre les ficelles, les modes qui circulent chez les gens qui ont plus d'un million sur leur compte en banque contrairement à lui qui n'a pas même un centime...
Une fois le gros installé sur la chaise Bill sort des chaînes qu'il passe autour du corps énorme du jeune homme et qu'il réunit par un cadenas. Il tire dessus sèchement pour voir si le tout est solide.« Donc maintenant tu vas prendre ses papiers dans sa poche et tout ses trucs perso'. On va s'assurer qu'il pourrisse ici, qu'il n'ait plus d'attache et dans 1 an, si mon pote poulet me dit que personne n'est venu signaler sa disparition tu prendras son identité » Il se relève sourire aux lèvres, mains sur les hanches satisfait de sa merveilleuse idée. Dimitri n'est pas choqué, il est habitué avec le temps à ce genre de choses. Il retourne le plan de long en large dans sa tête. « Si je prend son identité et qu'il connaît du monde. Je vais devoir justifier ce laps de temps de disparition et surtout mon changement de tête...» Bill se met à rire, verrouille la porte, se dirige vers Dimitri qui est sortit de la cave et lui donne une énorme tape dans le dos. « C'est bien gamin, tu penses à tout ! Tu n'auras cas dire que tu as été suivre une cure amaigrissante chez les bouffeurs de grenouilles ! Regarde sa gueule, avec 60 kilos en moins c'est toi ! Blanc-bec, brun, yeux bleus ! » Le russe n'est pas vraiment d'accord avec ce stratagème simplement pour avoir des papiers. « Oh, tu vas être américain et diplômé ! » Il se force à sourire, il sait parfaitement qu'en passant un test avec ce que Bill lui apprend il peu acquérir la nationalité, il sait qu'en travaillant honnêtement il pourrait s'intégrer facilement...Mais il semblerait qu'il ne soit pas tombé dans le bon milieu... « Tu préfères passer pour un ancien obèse, bosser pour une grande boite avec ce diplôme ou rester le pauvre immigré dans mon bar miteux gamin ? » Ils remontent les marches, Dimitri acquiesce. « Ah ! Je savais que tu avais un peu de bon sens ! Mais je veux ma part du gâteau dans 10ans hein gamin ? Bon je vais appeler mon pote faussaire histoire de faire les papiers maintenant, que dans 1 an ou 2 tout ne soit pas trop neuf » Le jeune homme donne un rapide coup de chiffon sur une des tables de la salle vide, termine son verre entamé il y a quelques heures et monte dans leur appartement juste au dessus. Il a un rendez-vous dans deux heures avec la femme d'un promoteur immobilier, madame Spencer...

▬« Signez ici » Damon prend son stylo porte bonheur, celui que Bill lui avait donné avant de mourir l'année dernière. Ça faisait beaucoup trop de temps qu'il le trimballait son cancer des poumons, trop longtemps qu'il en avait caché l'existence. Manque de moyens pour se soigner, manque de temps, trop d'ambition, trop de projets pour le jeune réfugié qu'il avait recueillit, le vieux loup ne s'était pas penché sur son propre cas, sa propre santé. Il s'était consacré entièrement à la réussite de son protégé, à la réussite de sa propre entreprise pour en ramasser les bénéfices une fois que tout serait accomplit...Trop tard. Il aurait été fière de voir le nouvel américain signer cet acte de succession, le voir être le propriétaire d'une firme immobilière, acquérir enfin un patrimoine, une identité reconnue. Il aurait été satisfait de voir que cette usurpation d'identité s'est goupillée parfaitement durant ces 7 années. Il aurait été plus qu'heureux de savoir qu'il n'a rien lâché, qu'il n'a pas une seule fois tenté de se dépatouiller de cette situation, de cette relation avec cette femme. Pauvre Madame Spencer. Il l'avait supporté pendant 8ans et avait bien cru que ceci n'arriverait jamais.
Tout avait commencé au Webster Hall, boite de nuit encore très select dans les années 2004, bien avant que les jeunes fils à papa et leurs copines mannequins défoncées au crack ne viennent envahir les lieux sur de la musique dubstep dégueulasse tout en se dandinant devant des lasers aux effets de plus en plus abrutissants. Bill se renseignait régulièrement sur les morts des hommes du CAC40 et des autres grosses entreprises dont les sièges se trouvent encore aujourd'hui dans la grosse pomme. Il était méticuleux, il passait au crible les journaux, la rubrique nécrologique, vérifiait que ces hommes avaient bien des veuves et puis laissait faire le bouche à oreille. Il se penchait parfois par dessus son bar, servant une pinte ou bien quelques verres de bourbon bas de gamme à l'homme d'affaire du coin qui venait juste se désaltérer tout en attendant sa secrétaire. Il mettait alors son torchon à carreaux par dessus son épaule, en bandoulière, il se penchait sur l'homme avec une voix basse et lui demandait faussement attristé comment se portait la famille du défunt ? comment allait sa femme ? Ainsi il récoltait des brides d'histoires, de pistes sur lesquelles se lancer. Lancement auxquels il ne prenait pas part, se considérant bien trop vieux, trop peu crédible pour exécuter ce genre de pirouettes verbales et physiques devant des femmes milliardaires et attristées, il valait mieux envoyer le beau et vaillant Dimitri ! Spencer avait été la plus facile à séduire, c'était le genre de femme qui se prenait pour l'équivalent de Demi Moore aujourd'hui. Le genre de filiforme, passant pour une quadra en apparence alors qu'elle atteignait miraculeusement la soixantaine. Le genre de femme à l'ego surdimensionné qui ne se sentait plus de joie lorsqu'un petit jeune la regardait de loin. Oui, elle avait été la plus déchiffrable, la plus facile à capturer. Ignorante, égoïste, rêveuse, elle voulait tellement être dans le monde des jeunes qu'elle en oubliait le ridicule de sa situation. Damon avait entre-ouvert sa chemise noire, dansé avec elle, bu quelques verres. Il l'avait raccompagné chez elle tout en lui tenant les portes, en payant le taxi parce qu'elle voulait s’octroyer la folie d'être conduite par autre chose que sa limousine. Il lui avait ensuite tendu son numéro, repoussé poliment ses assauts fiévreux par des mois d’abstinence parce qu'il voulait passer pour un gentleman, un homme bon qui ne peut profiter d'une femme alcoolisé. Elle l'avait rappelé, il avait décroché une fois, puis deux puis mille. Il l'avait courtisé pour la repousser, pour qu'elle se mette à regretter ses absences, à désirer sa présence, pour qu'elle l'appel encore et encore, qu'elle en vienne à déprimer sans lui, à vouloir se suicider. Il s'était ensuite excusé, avait prit soin d'elle durant plusieurs années jusqu'à ce qu'elle le couche sur son testament. Là le jeu avait été simple, il fallait laisser faire le temps...Soit 8 années. Les secours avaient appelé ses sœurs, parce qu'elle n'avait pas d'enfants. Puis ils avait appelé Damon, le suppliant de venir au plus vite, qu'une rupture d'anévrisme avait eut raison de sa tendre et moins douce amante. Il était arrivé en courant, bousculant tout le monde, ne prenant pas l’ascenseur mais les escaliers pensant aller plus vite ainsi. En arrivant dans le couloir, la veste ballante, la chemise sortie du pantalon, il avait forcé ses perles bleus à rejeter des larmes...Tout ceci n'avait pas été que de la comédie bien sur, en presque une décennie il s'y était attaché à cette femme, elle le faisait rire avec ses extravagances, il aimait la ramener sur terre, lui donner une part de réel en lui rappelant que l'argent ne pouvait pas tout faire. Elle avait apprécie ce côté paternaliste, ce côté protecteur malgré son jeune age...
En ce jour de printemps 2011 cette brave Spencer est décédé. Son entourage connaît Damon par cœur, il a tenu lui même à organiser les funérailles, à payer de sa poche – enfin de la sienne -en plus de l'assurance qu'elle avait prise. La victoire est amère sans Bill mais il faudra pourtant la savourer. Il faudra retrouver l'appartement spacieux au cœur de Manhattan qui lui appartient désormais. Il faudra reprendre tout les comptes, tout les dossiers et la boite entière de cette femme, s'imposer comme un bon dirigeant, mettre en pratique toutes les magouilles que Bill lui avait apprit...D'ailleurs en sortant, il fera en sorte de lui offrir une sépulture valable, quelque chose à la hauteur de l'homme qu'il était.
Il pose le stylo, se lève, rajuste son costume et sert la main du notaire puis quitte la pièce. Il a une réunion importante au siège du parti républicain de New-York dans moins d'une heure. S'engager en politique mettra la cerise sur le gâteau fait par Bill. Cette pièce montée de toutes pièces par cet homme c'est lui. Il n'était qu'une boule d'argile, il en a fait une statue de bronze. Il lui a apprit les grandes lignes de la politiques, le reste il l'a cherché seul, il sait que quand on s'y prend bien cela donne du pouvoir, un carnet d'adresse bien chargé et de quoi s'élever encore plus. C'est un accomplissement qu'il se doit d'entreprendre, pour lui, pour Bill. Le diplôme d'Abraham servira à quelque chose, le reste ne sera qu'une question d'intelligence et de logique. Il sera bon là dedans, il le sait, il en est sur.