{{J’aurais préféré que tu ne sois pas née.
Tout le monde savait qu’Elise Navin était raide dingue – et dingue tout court – d’un bel étudiant étranger. Owen Kleimer paraît-il. Ils auraient été vus ensemble dans un café des Champs Elysées plusieurs fois de suite. Oh comme c’est romantique et surtout pathétique. Mais moi je connais la vérité sur mes parents. Ma mère était une jeune fille plutôt chtarbée et elle voulait de l’argent pour pouvoir se payer un van et partir jusqu’à Cannes pendant les vacances d’été qui arrivaient. Mes grands parents ne partageaient pas du tout ses projets et refusèrent catégoriquement de verser de l’argent dans cette entreprise farfelue. Alors ma mère s’est mise en tête de trouver un boulot en plus de ses études. On ne sait par quel miracle, elle a trouvé une place dans un luxueux café des Champs Elysées. Sa fraîcheur et sa joie de vivre auraient apparemment séduit le patron. Ou peut-être parce que c’était un nostalgique des sixties et que ma mère faisait très hippie. Le fait est qu’elle a eu un job et plutôt bien payé ma foi ! Elise était un petit numéro de bonne humeur dans le café. Tout le monde la connaissait, tout le monde appréciait son large sourire rassurant, tout le monde raffolait de ses bracelets de toutes les couleurs non réglementaires et de sa petite moue de dépit. Les pourboires pleuvaient quand c’était son service ! Enfin bref. Un après-midi enneigé alors que tout le monde cherchait de la chaleur dans un bon café ou un chocolat chaud, un blondinet pâle comme la mort et pourtant beau comme un dieu poussa la porte du petit café. Pas très assuré, il s’est assis au comptoir et ma mère le prit en charge. Il parlait un peu français, elle ne savait pas dire bonjour ni en anglais ni en allemand. Il bredouilla un peu, elle se lança dans un langage mêlant les signes et les onomatopées. Ils en ont bien ri, surtout en me racontant tout. Et donc ma mère dans son extrême bonté (et surtout pour ajouter un peu de thunes dans son petit cochon) a proposé de lui donner des cours de français. Quelques heures par semaine que mon honnête papa a tenu à payer. Vous vous imaginez que ça a été magique et tout et tout et qu’ils sont tombés fou amoureux et bla et bla. La fin heureuse hein, au final, tout le monde s’en fout ! Il y a eu un beau mariage, un beau voyage et enfin, un beau matin est apparue une petite chose qui hurlait et gesticulait. Moi. J’étais sûrement la moins belle chose qui leur soit arrivée. Un véritable petit monstre, la tâche sombre sur leur beau voile blanc d’histoire. Mais je suis sûre que même s’ils répétaient qu’ils préfèreraient que je ne sois pas née, ils étaient fiers et le sont toujours.
}}{{Sans contrefaçon je suis un garçon.
Une chose est sûre et certaine, j’ai grandi de traviole. J’ai étalé ma loi sur toute la maison, mini despote d’à peine cinq ans. J’étais par ailleurs persuadée que j’étais un garçon. Lorsque mes parents m’appelaient Tam, je rectifiais avec un grand sourire et affirmais que mon nom était Tom. De quoi rendre ma mère folle ! Elle aurait préféré une petite poupée serviable plutôt qu’une petite souillon boueuse et couverte d’égratignures. On m’appelait la « Terreur » déjà en maternel. J’aimais m’habiller comme un militaire, avec les grosses bottes de mon papy et fusiller tout le monde avec un flingue en plastique. J’aimais porter les cheveux courts et draguer les petites filles de ma classe. J’aimais me bagarrer avec mes potes et rentrer couvertes de bleus le sourire aux lèvres. Pour moi c’était une évidence, je ne pouvais PAS être une fille. C’est fou comme on s’obstine à dire le contraire de choses qui pourtant sont évidentes.
Quand je m’efforçais de me comporter comme le ferait un garçon, ma mère me regardait, attendrie et murmurait que j’étais toute mignonne. Ce qui me mettait hors de moi bien sûr. Alors un jour ma mère a estimé que j’avais vraiment un problème, que ce n’était pas un caprice de l‘enfance.
Toute une série de docteurs en tout ce vous voulez est passé. Il y avait des diagnostiques étranges, comme quoi mon cerveau avait des problèmes à différencier ce qui se ressemble beaucoup ou vaguement. Laissez-moi rire, je savais faire la distinction entre une cuillère et une fourchette, un cahier et un bloc note, un CD des Beatles et un CD des Led Zeppelin et entre un garçon et une fille ! Je me disais que c’était eux qui avaient un problème à ne pas l’accepter comme garçon ! Le plus plausible selon ma mère, c’était que j’étais schizophrène! Oh quel diagnostique brillant ! Surtout qu’aucun de mes parents, ne présentent cette pathologie. Aucun membre de ma famille n’en est atteint ! A moins que les gènes n’aient sauté presque cinq générations, je ne vois pas comment j’aurais pu être schizophrène. Un seul parmi tous les psychiatres et psychologues et tout a déclaré que c’était juste une envie d’enfant. Juste un petit caprice. J’étais parfaitement normale et j’étais la seule à bien vouloir le croire !
}}{{WHADAHELL WITH YOU ?
Pire que l’enfance il y a l’adolescence. Si quelqu’un en doute, il suffit de regarder mon parcours pour changer d’avis. J’ai commencé à dérailler à l’âge de 12 ans. C’est très tôt paraît-il mais quand on vit dans les quartiers un peu chaud c’est un peu tard. La banlieue ça vaut mieux que n’importe quel manuel de survie, c’est dix fois pire que Koh Lanta, et c’est plus dur que trois séries de trente pompes. Pour ne pas être la victime je traînais avec les durs.
A cette période là je ne me prenais plus pour un garçon mais je n’assumais pas ma féminité. Je continuais à me couper les cheveux et à porter des fringues pour mecs. Mais croyez-moi, ce n’est pas facile d’être un mec. Il y avait toujours ces horribles différences physiques. J’étais plus fragile et ça me rendait malade. Malade au point de faire des crises énormes et redoutables. Ces accès de colère étaient terribles et avaient souvent des conséquences désastreuses. Combien de fois ai-je foutu le bordel dans la maison, frappé tout le monde autour de moi et brûlé tout ce qui était susceptible de prendre feu ? Tout ça à cause de mon incapacité à me contrôler. J’étais dangereuse pour les personnes de mon entourage. Après deux années de collège on m’a placée dans un centre spécialisé pour les cas difficiles. C’était mieux, non seulement pour les autres mais aussi pour moi. J’étais censée apprendre à me contrôler. Tout ce que j’ai réussi à faire, c’est envoyer le psychiatre à l’hôpital. Mon cas était de plus en plus difficile à traiter. Mais ce n’était vraiment pas de ma faute ! Je n’avais pas l’intention de lui fracasser une chaise sur son dos. Enfin, ce n’était pas dans mes priorités quoi.
Ils avaient des méthodes plutôt radicales pour calmer les élèves. Genre les placer en isolement. Seule pendant des jours dans une chambre avec pour seule ouverture un hublot dont la vitre était beaucoup trop épaisse pour qu’on l’a brise seul et pour unique visite un gardien qui m’amenait de la nourriture et des devoirs que je ne faisais jamais, je me suis mise à réfléchir. Qu’est-ce que je ferai de ma vie une fois sortie de ce trou ? Je n’étais douée pour rien. Rien de scolaire en tout cas. La musique ça me branchait bien. J’ai passé mon enfance à écouter tous les bons vieux groupes de rock qui ont marqué les sixties et les seventies. J’étais imprégnée des sons de la guitare et je voulais en faire un métier. C’était décidé, j’allais être une rock star. Mais pour cela il fallait que je sorte du Centre !
}}
{{Highway to hell
Je croyais pouvoir changer en retournant dans une école normale. J’ai fait ma rentrée en seconde avec les meilleures résolutions possibles. Je n’en ai tenu aucune. Ca a même été bien pire. J’avais toujours cette fâcheuse tendance à me bagarrer pour des conneries mais c’était moins violent qu’avant. Mais maintenant que j’étais hors du Centre dans lequel j’ai passé deux ans loin de la réalité, j’avais énormément de choses à rattraper.
Ca a commencé avec l’alcool. On se retrouvait mes amis et moi dans des coins qu’on disait sacrés et on vidait des bouteilles de bières, de Manzana, de Vodka et tout ce qu’on trouvait. J’ai pris goût à ces moments où on se laissait aller, où on se relâchait complètement. C’étaient des parties de rigolades inoubliables. En été on allait dormir sur la plage on allait squatter chez à peu près tout le monde. Mes parents n’approuvaient pas du tout ce genre d’activités. Normal me direz-vous ? Je dois quand même préciser que ma mère n’était pas en reste en ce qui concernait la défonce ! Elle y allait même à l’herbe ! Et pour leur faire comprendre que je faisais ma mini révolution, je m’y suis mise aussi. J’ai tout fait ! J’ai commencé doucement avec la cigarette classique et ensuite j’ai enchaîné le shit, la beu et tout ce qui donne un peu d’effet. Mes ennuies avec la justice continuaient mais j’en avais rien à foutre, je vivais. C'étai le temps des grands changements.
Mon premier tatouage, une poupée sur mon bras droit. Puis s'ensuivit d'autres, celui dont je suis la plus fière, ce sont les lettres ROCK CITY sur mes doigts. Une torture qui a du style il faut le dire. Ensuite de brune je suis passée à blonde, à rousse, ch-eveux violets, mèch-es de couleurs, j'ai pris la mauvaise habitude de changer de couleur de cheveux presque tous les mois. Ce qui est quand même une petite dépense. Ma route menait à l'enfer.
}}{{All is full of love
Il paraît que toutes les bonnes histoires parlent toujours un peu d’amour. Je ne croyais pas en l’amour. Je sortais avec des filles et des mecs pour le plaisir et pour mon image. Mais apparemment le destin n’a pas voulu que je continue ainsi. Ca s’est passé en quelque secondes seulement. J’étais avec des amies à une scène ouverte. On venait tout juste de finir les épreuves du bac de français et on voulait fêter dignement les vacances. Et comme des amis à nous montaient sur scène on a voulu les voir et ensuite aller faire un tour en boite.
J’étais devant, emportée par les rythmes endiablés et j’ai tourné la tête vers Shaya pour lui dire que ça déchirait mais j’ai croisé le regard d’un mec qui nous fixait. J’ai frissonné en plongeant dans ses magnifiques yeux bleus. Un instant j’ai cru que le monde s’était arrêté. Shaya a tout cassé en me poussant pour provoquer un pogo. J’ai perdu le bel inconnu et à la place je me suis bouffée les bras et les jambes de tout le monde dans la face. J’étais trop intriguée pour continuer à écouter les autres jouer alors je suis sortie pour m’allumer une clope. Et encore aujourd’hui je ne sais si je dois croire à ces conneries de destinée et toi... mais il était là. Nonchalamment adossé au mur, une cigarette coincée au coin des lèvres, il regardait le ciel parsemé d’étoiles. Je suis immédiatement tombée amoureuse de cette image. Il a tourné la tête vers moi, et j’ai été prise de vertige quand il me sourit. Stupide gamine que j’étais...
Il s’appelait Clay et était américain. Il sortait tout juste du lycée et avait décidé de prendre une année sabbatique et venir voir sa famille en France. J’ai tout de suite pensé que c’était l’homme de ma vie. Après tout ça reproduisait le même schéma que ma mère ! Ca me semblait être l’amour fou. Je n’aurais jamais cru qu’un jour j’aurais pu aimer. J’aurais dû ne jamais aimer. Mais Clay m’a transformé. Et ensuite il m’a lâché.
}} {{My American dream
Il est retourné à New York. J’étais préparée et pourtant, je n’ai pas tenu le coup. Sans lui je n’étais plus rien. J’étais une loque humaine qui pouvait à peine tenir sa bouteille sans s’étaler. Je n’avais plus foi en rien, plus confiance en personne. Je parlais plus. Je ne m’approchais même plus de ma guitare. Même avoir mon bac ça ne m’a pas réjoui.
Mes parents en avaient assez de me voir comme ça. Je gâchais ma vie à rester allongée sur mon lit. Ils savaient que mon bonheur se trouvait de l’autre côté de la mer. Alors ils m’ont offert un billet pour New York. Un allé simple. J’ai fixé longuement le billet les larmes aux yeux. Je l’avais mon billet pour le rêve.
Mais ce que je ne savais pas c’est que tout tournerait au vinaigre. J’ai été acceptée à Columbia même si mon dossier ne provoquait pas beaucoup d’enthousiasme. Qui voulait d’une délinquante instable et dangereuse dans son établissement. Mais vous vous doutez bien que les études étaient le cadet de mes soucis ? Je ne voulais qu’une chose, retrouver Clay. Ce fut plus facile que je ne le pensais, il était connu dans beaucoup de bars et j‘ai vite obtenu son adresse et son numéro en interrogeant quelques personnes qui n’avaient plus toute leur tête.
Stressée comme jamais, tenant mon avenir en main, je me suis rendue chez lui. Et j’en suis ressortie plus brisée que jamais. Mon rêve américain s’arrêtait là, après seulement quatre jours passés à New York. Il a juste fallu une fille, Draina, pour me détruire une deuxième fois.
}}{{News from NY
J’ai appris quelque chose. Tout se construit et se reconstruit. J’ai survécu à tout ça et aujourd’hui j’en suis plus forte. Je suis restée cette junkie chtarbée rockeuse et instable. Mais aujourd’hui je sais ce que vaut la vie. J’ai quand même grandi. J’ai conscience de ce qui m’entoure et je ne me lance plus n’importe comment dans n’importe quelle aventure. Je ne fais plus confiance à n’importe qui. Je suis quand même un peu plus responsable qu’autrefois. Il faut dire, chaque semaine j’ai une dizaine d’appels de New Yorkais qui me racontent leur vie, me demandent des conseils et du réconfort. A d’autres je prédis en quelque sorte leur avenir. J'ai leur vie entre mes mains si je puis dire alors que je suis même pas foutue d'organiser la mienne.
Je vois une question qui vous trotte dans la tête (Ouais t’as vu comment je suis trop forte ? Ca se peut je suis vraiment voyaaante ! *0*) Comment diable une jeune fille paumée dans New York peut devenir un pseudo psychologue qui en plus se fait du fric. C’était un hasard COMPLET ! Je visitais tranquillement les rues animées de mon quartier et je reçois un appel. C’était très intriguant sachant que je n’avais donné mon nouveau numéro à quasiment personne, vu que je venais de débarquer. J’ai décroché, m’attendant à tous sauf à une femme en larmes au bout du fil.
-Mme Harouchka ? Oh vous aviez vu juste ! Il m’a laissé tomber !J’ai regardé mon téléphone avec mon petit air « WTF ? » Mais elle a continué, ne me laissant pas placer un mot.
-Je l’ai trouvé avec une autre femme. Il y a eu une violente dispute et m’a dit : Garde la maison et les gosses, je n’en ai rien à foutre. Qu’est-ce que je dois faiiiire ?Ses sanglots redoublèrent. Je me retrouvais dans la peau d’une voyante au nom chelou qui devait conseiller une petite femme qui me rappelait exactement ma situation.
-Ecoutez, je ne suis pas votre voyante Chkaka ou je ne sais trop quoi, mais je vais vous dire un truc. Votre mari c’est un gros con. Et il s’en mordra les doigts de vous laisser partir. Montrez-lui que vous n’avez pas besoin d’imbéciles heureux pour vivre, que vous trouverez votre bonheur ailleurs. Ca le fera bien chier, vous verrez. Et puis réclamez la pension alimentaire surtout. Faut pas le laisser s’échapper comme si de rien n’était. Elle a paru choquée un instant puis elle s’est emballée avec mon trip.
-Oui ! Oui ! Je suis forte. J’allais la laisser sur cette pensée positive mais elle a continué à raconter sa vie comme si nous étions de bonnes copines...
Depuis ce jour je me suis découvert une passion et un gagne pain peu commun. Et qui sait si demain ce n'est pa vous qui allez m'appeler ?
}}
Accueil
Sujet: Tam' || Won't you take me to funky town ? || To be continued 
Lun 26 Avr - 19:34
.
