Ce qui fait de la vie quelque chose d’exceptionnel c’est cette capacité à toujours pouvoir nous surprendre. Chaque instant est unique. Chaque instant est nouveau. Ce que nous vivons une fois, nous ne pourrons plus jamais le revivre de la même manière par la suite. Il y a certains évènements que l’on peut prévoir à l’avance et se dire qu’ils se produiront en suivant certaines règles. Et puis, il y a les autres… Ceux qu’on imaginait d’une certaine manière mais qui se réalisent de manière totalement différente.

Ce jour-là, tout fut différent. J’avais envisagé beaucoup de choses mais ce qui se passa était à des années lumières de ce que j’aurais pu imaginer. Peut-être fallait-il qu’on me pince pour que je me réveille… il ne s’agissait peut-être que d’un rêve. Un rêve qui était en train de tourner au cauchemar.

Ils étaient arrivés, ils s’étaient installés à cette table où je parlais avec Tallagh et ils avaient tout fait chamboulé. Les regards indiscrets sur les formes de mon cœur s’étaient faits fréquents. Je les voyais me dévisager et ça me rendait malade. De quel droit osaient-ils poser des regards aussi obscènes sur moi ? J’avais l’impression de n’être qu’un simple morceau de viande que l’on s’arrache. J’en avais presque l’impression de n’être qu’une simple fille de joie qui vendait ses formes au plus offrant. Pourtant je n’avais pas l’impression d’être habillée de manière réellement provocatrice. De toutes les jeunes femmes présentes dans ce bar, il y en avait bien d’autres avec des habits plus provocants que les miens, surtout à cette heure… Je ne portais qu’une simple jupe verte qui s’arrêtait au dessus du genou et une chemise elfe avec un décolleté. Il s’agissait d’habits normaux en toute somme. De toute manière, je doute que Nathaniel m’aie gardé très longtemps au sein de l’ordre s’il je me promenais comme une débauchée en rue. Je suis représentante de mon ordre, je me dois de m’habiller correctement pour défendre ses couleurs…

C’était donc là, assise à cette table en compagnie de Tallagh, et en face de ces nouveaux venus pour le moins étrange que je devais attendre. Ce qu’ils pouvaient avoir à se raconter ne m’intéressait guère, et pourtant, j’étais incapable de ne pas les écouter. Visiblement ils avaient compris que Tallagh et moi étions dragonniers. Comment est ce que ce chat-garou avait bien pu faire pour le découvrir, je n’en ai pas la moindre idée. Je continuai à les écouter parler sans beaucoup d’attention. Avec Tallagh, nous aurions pu nous lever et aller s’asseoir à une autre table pour continuer notre conversation mais je crois que nous étions tous les deux aussi stupéfaits. Il me jeta un coup d’œil interrogateur qui semblait me demander si je comprenais plus de choses que lui à la situation présente. Mon regard fut identique aussi sien. Moi non plus, je n’avais pas la moindre idée de ce que ces gens faisaient ici.

Mais nous n’étions visiblement pas au bout de nos surprises. Visiblement, ce groupe n’était pas encore au complet, il leur manquait quelqu’un et il s’agissait visiblement d’une femme, une certaine Schrö. C’est elle qui les avait tous confiés ici… Et la jeune Schrö ne tarda pas à arriver. Quelques instants plus tard, j’entendis la porte s’ouvrir une nouvelle fois dans mon dos. Je me retournai et vis une magnifique jeune femme, disons même Khadjit se diriger vers nous à pas de félins. Dès qu’elle était rentrée dans cette pièce. Le temps s’était comme arrêté et tous les regards avaient fusés dans sa direction. De cette fille, je sentais se dégager quelque chose de félin. Sa démarche était fait toute en souplesse et elle avait très bien compris comment il fallait se mouvoir pour parvenir à attirer le regard des gens qu’elle croisait. Si moi-même j’avais été un homme, je serais peut-être aussi tombée dans ce piège… La jeune Khadjit pris une place à notre table. Je commençais à appréhender le moment où elle commencerait à parler. Si rien que de sa façon de se mouvoir, elle parvenait à envouter son entourage, je ne voulais pas imaginer le résultat de ses paroles. Un nouveau regard en direction de Tallagh ne fit que confirmer ce que je redoutais. Je le voyais la dévisager. C’était à son tour de la dévorer du regard… Je ne pus en avoir à Tallagh, je sais comment il est. Il aime profiter de la bonne chaire et se retrouver en compagnie de jeunes femmes fort jolies… Mais je ne pus m’empêcher de serrer les dents et le poing sous la table. Il était temps que cette troupe s’en aille. Je n’aurais pas du tout aimé perdre mon calme dans ce bar en présence de Tallagh, qui plus est.

Nous dûmes encore attendre un peu. Et puis, finalement ils s’en allèrent. J’eus droit à une dernière réflexion sur le fait que je trouverai certainement mieux que Tallagh et à un dernier regard vers mon décolleté, et puis, ils partirent.

Je me retrouvais à nouveau seule en compagnie de Tallagh. Je me rappelai ma déclaration précédente avant que ce groupe n’intervienne et je me demandais si lui aussi s’en souvenait encore. Visiblement c’était le cas…

« Je n’ai pas oublié ta question, Anika. Ces tarés ont un peu cassé l’ambiance, mais je vais quand même te répondre honnêtement.
Je pense que tu le sais, mais on ne peut pas faire ça. Je... Je ne peux pas te faire ça. Y’a pas que les règlements, les dieux savent que je suis le premier à les enfreindre. Mais si c’est interdit, c’est pour une bonne raison. Ca va te paraître stupide, mais j’aurais l’impression d’abuser du pouvoir que j’ai sur toi. Je suis ton maître, et forcément, tu dois m’idéaliser.
Le vieux taré avait raison : tu peux trouver bien mieux que moi. Tu es sous mes ordres, et forcément, à tes yeux, cela me rend plus… intéressant ? Non, j’aurais vraiment l’impression d’abuser de ma place, et je ne veux en aucun cas faire ça. Crois-moi, je ne veux que ton bien… et être amoureuse de moi, ça ne peux que t’entraîner des ennuis. Quand tu seras titulaire, on pourra remettre cette conversation sur le tapis, car bien des choses auront changé. Mais maintenant… maintenant, c’est une mauvaise idée. »

Je crois que la réponse est suffisamment claire. Tallagh avait décidé que ce n’était pas une bonne idée. Et je devrais peut-être suivre le conseil du vieux en trouvant quelqu’un d’autre.

« Je comprends… c’est pour ça que j’ai longtemps hésité avant de t’en parler… »

L’émotion que je sentais en moi était forte mais je sus me contenir pour ne pas m’écrouler en sanglot sur la table. J’avais peut-être avoué mes sentiments mais il me restait encore ma dignité. Et ça, personne n’y aura jamais droit.

« Tu crois que ce sont des rebelles ? »

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