Le jour s’était levé sur Achaea, laissant apparaître quelques rayons de soleil qui réussirent à traverser les mauvais volets en bois d’une habitation délabrée. Un petit minois s’y reposait paisiblement, recroquevillée sur elle-même comme une enfant en manque d’une présence maternelle sous une épaisse couverture de mauvaise qualité. « Debout la belle au bois dormant » chantait gaiement les oisillons installés sur le rebord de la fenêtre, profitant de la chaleur exquise prodiguait par le soleil. Mais Annabelle n’avait pas l’intention de se lever, grimaçant lorsque le bruit strident de ces piaillements l’arrachèrent à son profond sommeil…
'Cause I wanted to fly, so you gave me your wings
Voilà maintenant une semaine que la demoiselle s’était échappée du centre de recherche Apocalypto, gardant comme magnifique souvenir, leur symbole tatoué en noir sur son épaule droite. Durant ce laps de temps qui l’avait séparé de l’enfer pour lui faire goûter à une liberté nouvelle, la jeune fille avait fait la rencontre de Piotr, un russe ayant été retenu contre son gré dans la même base qu’elle. Cet homme avait sauvé sa liberté en l’amenant dans son appartement la protégeant ainsi des forces spéciales qui patrouillaient en grand nombre dans la ville afin de la capturer. En peu de temps, Annabella était devenue l’ennemie publique numéro 1 présentée aux informations télévisées comme une jeune femme perturbée ayant réussis à déjouer ses gardes et à échapper du bâtiment en direction d’Achaea. Quelle imagination ! Depuis lors, la demoiselle savait que les médias étaient contrôlé par les politiciens, et que l’opinion publique ne connaissait pas encore l’existence d’être humain légèrement différent, ayant un don particulier. L’opération Apocalypto s’abstiendrait de tous mouvements néfastes pouvant avoir pour conséquence, la fuite de telles informations. Sans oublier que la brunette connaissait le lieu où elle a été séquestrée durant dix années, de quoi faire couler de l’ancre et créer une émeute dans la population. Le risque était trop grand, ils avaient donc déployé des patrouilles supplémentaires en ville, des êtres humains passant pour de simples habitants dans les rues d’Achaea… pourtant, ils étaient loin des doux agneaux protecteurs des concitoyens qu’ils laissaient entendre. Si seulement ils savaient quelle souffrance leur test pouvait engendrer sur les mutants. Si seulement ils se rendaient compte de la haine grandissante à leur égard sans qu’ils ne puissent s’expliquer ni même s’impliquer dans les affaires des êtres humains « normaux ». Pourquoi un simple gêne d’apparence inoffensif, pouvait avoir de tels conséquences sur un organisme vivant, allant jusqu’à faire regretter l’existence de son porteur. Au fond, les mutants n’étaient pour l’Agence Apocalypto que des animaux en cage qu’il fallait éliminer ou dresser … rien de très humain en somme.
Are you happy now ?
Annabella savait que cette sécurité nouvelle était éphémère. Un seul faux pas de sa part lui vaudrait un ticket de retour dans le centre se trouvant en pleins désert maquillé en usine nucléaire. Avec l’aide de Piotr, elle trouva un emploi minable de nuit, consistant à nettoyer les restaurants après leur fermeture. Ce qui en soi, n’était pas si terrible. Le patron ne lui demandait rien de plus qu’un prénom et un nom de famille même si celui ci était faux. Cela n’avait que peu d’importance. Ils ne posaient aucune question à son sujet, la payant bien moins cher que la législation ne l’exigeait. De son point de vue, elle aurait une paye chaque nuit lui permettant de vivre dans un petit appartement légèrement excentré mais tranquille. Bon nombre de famille pauvres ou réfugiés s’étaient installés dans cet immeuble délabré bien loin des normes sanitaires en vigueur mais qui leur permettait de payer un appartement à loyer modéré. Annabella avait choisi un 15m² tout équipé par des meubles anciens, récupérés des vieilleries donnés par les habitants de la ville. Ce n’était ni plus ni moins que du recyclage. Pourtant, ce ridicule habitat lui rendait la vie bien moins difficile. Une carte vers une vie normale qu’elle souhaitait plus que tout. Son don la comblait, il pourrait s’avérer utile sans pour autant être néfaste pour ceux qui l’entourent. Malheureusement, les autres êtres humains la prenaient pour un monstre, dangereuse pour leur propre sécurité ou encore comme un merveilleux cobaye….
Ses yeux s’ouvrirent lentement afin de s’accoutumer plus facilement à la luminosité de la pièce. Du bout des doigts, elle chercha la petite radio portative qui marchait à pile, pour entendre les informations. Une éternelle habitude qu’elle avait prise pour savoir si les modes de communications parlaient toujours de sa fuite … Une garantie pour pouvoir sortir sans être épiée comme une vulgaire chose dangereuse. Son visage à demi collé sur le parquet en bois ancien, elle augmenta le volume pour entendre les paroles du présentateur. Une petite musique introductive au journal se fit entendre avant de laisser place au journaliste.
Archaea News
« Bonjour Achaea. Ici John Smith comme chaque matin à l’antenne pour vous délivrer les dernières news.
Sans transition, nous n’avons toujours aucune nouvelle du géant vert qui a ravagé une partie de la ville avant-hier. Le bilan final et d’une vingtaine de blessés ainsi que de quatre défunts semblant être des membres des groupes spéciales d’intervention. Selon nos informations, ces derniers étaient chargés de neutraliser ce mutant afin de protéger notre ville. Un incident qui ne vient pas calmer le jeu sur ce que l’on a surnommé la grande Terreur. Certains indices ont été retrouvés sur les lieux. En ce moment même, les équipes scientifiques tentent d’en soutirer des indices permettant de retrouver cet étrange personnage. Nous faisons appel à vous, si jamais il venait à apparaître dans les rues de la ville, appelez le numéro vert suivant 555- XXX- XXX.
Une fuite de gaz a été recensé proche de l’hôtel de ville. Tout le périmètre a été sécurisé. Deux personnes ont été amené à l’hôpital « X » pour des examens supplémentaires. La police pense à un groupe extrêmement dangereux qu’ils tentent de capturer depuis plusieurs semaines. Les forces de l’ordre en grand nombre permettent à Achaea de vivre des jours heureux palliant ainsi les problèmes de violence. Ne vous inquiétez pas chers concitoyens, leur présence garantis votre intégrité au sein de la ville.
Les cinq minutes de news quotidienne sont à présent terminées. Je laisse place à la météo du jour présenté par Bob Sullivan.
Bonjour à tous !
Sortez, profitez de ce soleil radieux, bien que les températures restent moyenne autour des 10°C. Aucun nuage à l’horizon ne viendra perturber votre sortie. Cet après midi, un temps radieux est attendu, laissant place à de plus douces températures, autour des 14°C. Demain, abritez-vous, le retour de la pluie est attendu.
Sur ces belles paroles, je vous laisse. Bonne journée à tous et à demain pour de nouvelles prévisions. »
Sans laisser place à la musique, elle éteignit la radio, soupirant de contentement. Cela faisait maintenant trois jours qu’aucune annonce la concernant n’avait été passée aux informations. De quoi lui donner l’espoir de pouvoir enfin sortir de son 15m² . Certes, elle s’était échappée de la base secrète d’Apocalypto mais au final, elle se sentait piégée dans un espace plus grand mais tout de même restreints sans avoir le moyens de voir la vie à l’extérieur, ni de sentir la douce brise fraîche sur son visage… Une belle façon pour elle de commencer une vie normale ou presque. Sans attendre, la demoiselle s’approcha de sa fenêtre pour en ouvrir les volets et laisser sa pièce profiter de ce beau temps. Par cette vitre, une vue imprenable sur un parc lui rendait la vie bien plus intéressante. Par habitude, Annabella faisait un jogging le soir, lorsque presque plus aucun visage ne traversait l’espace vert, lui laissant tout le loisir d’apparaître sans avoir à dissimuler son visage sous une épaisse capuche. Une façon également de pouvoir augmenter sa forme physique et de se laisser transporter dans un autre monde sans avoir à penser à l’éventualités de se faire attraper négligemment. Avec un soleil aussi éclatant, les habitants de la ville seraient de sortie aujourd’hui, lui laissant la place nécessaire pour en faire de même sans risquer sa liberté. Avec autant de monde autour d’elle, se serait comme chercher l’aiguille dans la botte de foin pour les forces spéciales. A cette simple idée de sortir enfin à l’extérieur en plein jour, un sourire naquît sur ses lèvres.
Avant cela, elle devait se préparer de quoi déjeuner, prendre sa douche avant de s’habiller convenablement. Après une demi-heure, elle était enfin prête à sortir de son petit monde habillée simplement d’un tee-shirt bleu marine, dont les manches étaient inexistantes, un jean de couleur bleu clair et des baskets de ville noires. Ses cheveux restaient détachés, glissant le long de ses épaules. Ainsi dissimulée par sa chevelure, elle pourrait passer plus facilement entre les mailles du filet. De plus, si Annabella avait choisi un sweat-shirt avec une capuche, l’attention se serait posé directement sur elle, interrogeant l’esprit des passants qui la croisaient en chemin. Bien qu’il y ait un soleil radieux, la température restait tout de même basse, elle noua sur ses hanches, un gilet fin en laine de couleur bleu pour le placer sur ses épaules si elle avait froid au court de sa promenade. La voilà donc paraît pour une excursion dans le grand espace vert peut être même l’unique de la ville. Qui sait ? Elle n’avait pas encore eut l’occasion d’en faire le tour, elle y trouverait certainement des lieux sympathiques. Pour l’heure, chaque chose en son temps. Elle prit ses clés, ouvrit sa porte avant de la refermer, descendit les escaliers –son appartement se trouvait au 4ème étage- avant de sortir enfin l’extérieur. Son sourire restait figé sur son visage, tendis que ses yeux recherchés la moindre petite parcelle de vie aux alentour. Plus vite elle suivrait les pas d’un groupe plus en se sentira en sécurité. Marchant à un rythme normale, elle traversa la route qui séparé son immeuble de parc avant de fouler le sol sableux comportant des gravillons blancs pour la première fois en plein jour. L’espace vert était imposant par ses nombreuses espèces de fleurs, d’arbre, minutieusement décoré pour attirer le regard tout en proposant de nombreuses places pour une détente bien méritée au soleil. Après une dizaine de minutes de marche, Annabella se retrouva sur l’herbe, près du lac disposé au centre de celui-ci. Autour d’elle, un couple se tenait par la main se murmurant quelques mots doux pour rendre leur journée plus romantique, deux enfants jouaient ensemble, leur parents les surveillaient de près pour ne pas les perdre. Plusieurs jeunes filles faisaient leur footing dans des tenues très légères attirant les regards mal avisés de pervers en tout genre. En même temps, elles le cherchaient bien en s’habillant de la sorte, chose que la demoiselle avait du mal à comprendre. Assis à l’abris d’un arbre, un homme regardait les environs et semblait retenu par ses pensées. Lorsqu’elle eut terminé son panoramique, deux jeunes qui jouaient non loin d’elle au frisbee, lancé cette chose verticale en plastique, volant sur l’air avec grâce et force tendis qu’ils s’amusaient à le récupérer en faisant quelques acrobaties. L’un des deux, un pu trop prit dans l’action, lança l’objet bien trop loin pour que son ami puisse le récupérer. Par contre, le frisbee arrivait dangereusement en direction d’Annabella. Pour elle ce n’était qu’un objet volant non identifié pourtant, elle voulait le récupérer à tout prix, sans savoir pourquoi. Cela semblait amusant. Elle prit donc son élan tout en suivant le dit objet des yeux sans se rendre compte que sa course l’amenait dangereusement près d’un arbre où se trouvait un jeune homme. Lorsque le frisbee fût à sa portée, elle le prit en main, par la même occasion, elle se prit l’arbre qui arrêta sa course effrénée avec une belle bosse à la clé. La demoiselle avait fermé les yeux et lorsqu’elle les ouvrit de nouveau, son regard se posa sur l’homme qu’elle avait renversé près sa chute. Elle tenait d’une main l’objet en plastique qui s’était positionné sur le haut de sa tête, tendis que son autre main était posée sur l’herbe sèche. La situation était totalement ridicule, la mettant dans une situation plutôt embarrassante. Annabella se releva précipitamment, pour laisser sa liberté l’inconnu dont le quotidien venait d’être légèrement modifié par une tornade.
« Exc… excusez-moi. Vous allez bien ? Rien de casser ? »
N’ayant pas les moyens de payer un avocat si celui-ci avait été blessé par sa faute, elle prenait note de sa réponse pour savoir si elle devait filer très loin d’ici pour protéger ses intérêts. Ses yeux fixèrent ceux de l’homme dont elle ne connaissait rien pour lire sur son visage si une douleur apparente venait de prendre racine. Les deux jeunes arrivèrent en courant vers elle pour récupérer leur bien, ayant assisté à la scène d’un air amusé.
« Hey vous ! Bonne réception ! » Dit-il avant de lui faire un clin d’œil ce qu’elle n’avait visiblement pas apprécié, restant muette.
« Laisse la tranquille. »
Annabella lui tendit le frisbee pour mettre fin à cette situation. Les deux jeunes partirent de leur côté, sans chercher plus d’explication. Son attention fut ensuite reporté sur David. Si elle n’avait pas été aussi gentille, elle serait partie rapidement de cet endroit pour disparaître dans la foule sans ce soucier des conséquences de ses actes, mais jamais elle n’agirait ainsi.