C'était une journée comme toutes les autres, même si ce simple fait n'était pas une vérité absolue et que tout pouvait changer d'une seconde à l'autre, qu'il pouvait mourir renverser par une voiture, d'une crise cardiaque ou de tout autre incident. Tout bien réfléchit, aucune journée n'était comme une autre et chaque instant méritait d'être vécut sans se retenir, tout était permis dans son esprit de jeune à présent, et qui savait ce qu'il allait pouvoir faire aujourd'hui... En ce moment même il se trouvait accoudé dans un petit bar tranquille près de l'université, avec quelques connaissances pas tellement intéressantes mais supportables, des gens parmi tant d'autres qui le distrayaient, pour l'instant en tout cas. Il prenait juste son déjeuner dans un lieu public au lieu de le prendre dans les locaux de la confrérie, et cela changerait peut être son humeur maussade. Et si quelqu'un se renversait un chocolat brûlant dessus, et se levait pour courir en hurlant de douleur, renversant tout le monde sur son passage et provoquant une hécatombe en plein milieu de ce petit café tranquille dont le nom lui échappait. Peut être que cela lui aurait remis un peu d'entrain, et que sa journée aurait été illuminée par cet événement ridicule et risible, bien qu'il en doutât fortement. Non, ce n'était pas ça qui le remettrait d'aplomb, mais maintenant qu'il y pensait, il devait voir quelqu'un, et pas n'importe qui. D'accord, mais qui tout de même ? Décidément sa mémoire lui jouait de plus en plus de tours, et il n'appréciait aucunement cela, se sentant vieillir avant l'heure, comme frappé d'une maladie qui détruirait peu à peu les quelques neurones qu'il possédait déjà.

Et soudain, un flash, son visage s'illuminant vraiment cette fois-ci, ses yeux pétillants de plaisir, sa bouche étirée de plus en plus jusqu'aux oreilles, une tête de con un peu arriéré vu qu'il était figé, mais il ne pouvait se remettre de sa pensée. Il avait rendez vous avec Rusalka, sa Rus'. Et cela lui ferait le plus grand bien du monde dans une journée maussade comme celle-ci, de pouvoir discuter tranquillement avec une personne comme elle, si proche de lui mais ne le jugeant pas, toujours prête à faire ce qu'elle pouvait pour lui, et il était en contrepartie prêt à se pendre si elle le lui demandait. Sans aucun doute, il l'aurait fait même avec joie, heureux d'accomplir quelque chose qu'elle aurait exigé, même par pur plaisir. Mais bon, il fallait avouer que la jeune fille était loin de vouloir sa mort, et leur retrouvailles même après de courtes durées étaient toujours un moment de joie intense, incompréhensible pour lui mais le remplissant d'un amour presque...paternel. D'ailleurs ça faisait un bail qu'il n'avait pas téléphoné à son père, il fallait qu'il pense à cela sans tarder, et le plus tôt serait le mieux, celui-ci serait soulagé de savoir que son unique fils (si c'était toujours le cas) se portait bien et continuait ses études, peu être pas très brillantes mais pas en échec non plus, travaillant assez pour être dans au niveau et ne pas trop se faire hurler dessus.

Mais revenons en au sujet le plus important de la journée, de sa vie même en cet instant : Rus' ! Si il la croisait en ce moment même, il se serait jeté sur elle comme un sauvage pour la saisir contre lui et ne plus jamais la lâcher, en faisant son nounours inédit, quitte à mourir après des jours à l'avoir serré en essayant de ne pas le tuer tout de même. Holà, il fallait qu'il se reprenne, si il lui apparaissait ainsi, elle serait certainement joyeuse mais un peu fâchée au bout d'un moment de se retrouver écrasée dans ses bras, aussi accueillants fussent-ils. Non décidément il fallait qu'il se calme, même si l'excitation montait en lui avec les secondes qui passaient, chaque instant le rapprochant un peu plus d'elle. Jason se leva donc de son tabouret, fila au comptoir payer ses consommations et sortit tranquillement dans la rue, se remémorant avec difficulté l'endroit où il avait rendez vous avec sa meilleure amie. Ah oui, ça lui revenait : le parc. Quel meilleur endroit que celui pour passer des moments tranquilles et intimes, pour parler de secrets inavouables et se confier à une personne entre qui l'on remettrait sa vie. C'était son cas pour lui, et il ne doutait pas du fait qu'il en allait de même pour Rusalka. Des fois il se demandait même comment il pouvait seulement la considérer comme une amie, avec une telle beauté il aurait dû plusieurs fois avoir envie de lui sauter dessus, mais cela n'était qu'au début, lorsqu'ils faisaient connaissance, et avec le temps ces sentiments s'étaient chassés de son esprit, laissant la place à ceux d'une famille, concept méditerranéen plutôt intéressant créant des liens très forts entre des personnes de sang au départ, mais des élus spéciaux peuvent être hissés à ce niveau, devenant indispensable à la vie de la personne concernée. Et l'impression qu'il avait était que leur relation durait depuis toujours, comme un frère et une sœur qui ne s'étaient jamais connus mais qui se découvraient soudain, soudés dès le départ.

Et tout cela grâce à la musique, leur attirance commune envers cet art si particulier et si personnel que très peu de gens connaissaient les talents de Jason à la guitare. Et malgré ses efforts pour cacher sa maîtrise de l'instrument à corde, il avait fini par se faire prendre en train de jouer, en pleine communion avec son instrument, sensible et et ouvert au monde et aux regards, vulnérable. Rus' l'espionnait un jour où il était entré dans une salle de musique, sentant une envie irrépressible de jouer dans ses doigts pleins de fourmillements et de sensations bizarres, ce qui était un signe chez lui. Mais en plein lycée, il risquait de se faire prendre, et s'en serait finit de son secret. Finalement, la personne qui avait eu raison de son secret était elle, Rusalka Boskonovitch, une jeune fille belle à en couper le souffle mais aussi sensible que lui à la musique, qui avait fini par le rejoindre en l'accompagnant à la basse. Tout d'abord, il n'en était pas revenu, quelqu'un se joigne à lui le mettait dans tous ses états, car cela voulait dire qu'il était découvert. Mais seule la musique comptait, et il continua donc à jouer en apercevant la fille, un sentiment de bien être se répandant dans tout son corps, le mettant en confiance comme si on lui avait administré une drogue.

Maintenant en chemin vers le Parc, il était presque arrivé à l'entrée et pourrait la voir, elle, sa drogue à lui. Les mains dans les poches, il portait un jean simple et un peu serré, des Veja grises avec le V vert sur le côté, ainsi qu'un T-Shirt blanc fait dans un tissu fin et soyeux, avec un col en V qui faisait très sexy et qui laissaient entrevoir des petits bouts de ses pectoraux. La chaleur ne permettait pas vraiment tout autre vêtement superflu, et il ne s'embêtant pas vraiment de cela, n'ayant jamais très froid d'ailleurs. Après quelques minutes à peine, il parvint au parc, son pas ralentissant sur les petites allées en terre, avec une herbe si verte se répandant tout autour du sentier, des arbres de ci de là, des fleurs par centaines et des enfants gambadant joyeusement. Sa joie de vivre ressurgissait à une allure ahurissante, et il sût d'un simple regard que sa chère amie n'était pas encore arrivée, car con petit coin habituel était vide, ce qui lui permettrait d'attendre en paix, d'être le gentleman toujours à l'heure qui attend sa dame, qui doit se laisser désirer bien évidemment. C'était un jeu courant de nos jours, et décidément les siècles ne ternissaient pas cette pratique. Avec un pas léger et sûr, il se dirigea vers un saule pleureur, qui se trouvait comme tout bon arbre de son espèce près d'un lac miniature où se baignaient quelques canards. Après avoir écarté les rideaux à demi-transparents de sa frondaison, il se dirigea vers le tronc et s'assit tranquillement contre celui-ci, au risque de tâcher son T-Shirt blanc, ce qui lui importait peu d'ailleurs. Il jeta un coup d'œil à sa montre toute neuve, qu'il s'était offert à l'occasion d'une arrivée d'argent de la part de son père. Nous étions le matin, et la montre affichait 9h30, l'heure précise à laquelle ils avaient rendez vous. L'attente ne serait sûrement plus tellement longue, elle n'abusait pas trop de sa qualité de dame pour arriver en retard, la plupart du temps en tout cas. Et puis cela lui permettrait de trouver des choses à lui dire, de nouvelles blagues ou même des évènements croustillants de nouveauté.

OK par Dale